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Car, s’étant convaincue qu’elle était dénuée d’attraits physiques, Christiane ne s’était pas tenue pour battue. On lui avait par ailleurs souvent dit qu’elle était intelligente. Elle estimait que c’était le plus important de tous les biens, et avec cette richesse, elle avait entrepris l’édification de sa personnalité. C’était fort bien, elle n’était pas jolie, mais elle ne serait pas banale et on s’occuperait quand même d’elle. Elle aurait de l’instruction, elle serait intellectuelle, elle serait intéressante. Elle avait une jolie voix de soprano, elle la développerait et elle développerait aussi ce goût qu’elle se sentait pour la décoration de maison. Elle connaîtrait en plus, la peinture, l’architecture, la littérature et… la mode.

Avec autant d’intérêts, un programme d’études aussi vaste, sa vie serait comble. Elle ne s’ennuierait pas. Elle n’ennuierait pas les autres. Il y aurait tant de choses, dans ses yeux bleus et derrière ce front — qu’on s’arrêterait pour y lire. Et puis, Christiane parlerait et elle parlerait bien. Christiane aurait toujours quelque chose à dire.

Si occupée, elle ne s’aperçut pas que ses dix-huit ans amélioraient beaucoup son physique et corrigeaient presque tous les défauts qu’on lui avait jusque-là reprochés. Ses cheveux bouclés étaient naturellement de ce blond angélique que les coquettes de l’époque essayaient en vain d’obtenir par la teinture. Ils moussaient autour de sa figure beaucoup moins pâle, parce que Christiane rougissait à tout propos. En un mot, même avec ses traits chiffonnés, Christiane était devenue jolie. En gris pâle, en vert jade, en bleu, personne ne