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orange et bleu

la coiffe empesée, — m’ouvrait la porte et me disait :

— Madame descend tout de suite. Si vous voulez entrer vous asseoir.

J’entrais à droite dans le fameux petit salon et je me hâtais de me jeter dans le premier fauteuil, parce que mes semelles imprimaient mes pas en gris sur le beau velours indigo du tapis. C’était intimidant. Tout était si reluisant, si neuf, si propre, si bleu et si orangé !

Pourtant, quand plus tard, je fus avec Christiane plus intime, je sus que c’était la bonne qui était ainsi d’un soin méticuleux et d’un ordre impeccable. Christiane était comme nous volontiers heureuse dans un fouillis de livres, de journaux — entre un panier à racommodage débordant, et une boîte de bonbons ouverte…

Christiane disait :

— Je ne suis pas jolie et je le sais. C’est ma sœur qui a pris chez nous la beauté de toute la famille. On me l’a assez répété pour que je ne l’oublie jamais.

Christiane était blonde et elle avait les yeux bleus sous des cils châtains. Je la connus lorsqu’elle avait vingt-huit ou vingt-neuf ans. C’était vrai qu’on pouvait ne pas la trouver jolie, mais il fallait tout de suite s’exclamer qu’elle était aimable et intéressante. Sa figure était pâle et ses traits chiffonnés ; et ses dents étaient irrégulières mais blanches comme du lait ; elles donnaient un grand charme à son sourire.

Christiane était curieuse. Elle voulait tout savoir, mais avec intelligence et sans cesser d’être