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mousseline

Tout cela ne sembla guère influencer Mousseline.

Le soir, portant une bouteille vide bien brillante, je m’approchais, quand Marie courut au-devant de moi :

— C’est une catastrophe ! Mousseline n’a donné qu’une pinte de lait !

Nous étions tous, sans pot cassé, comme Perrette !

Mais je prodiguai à la propriétaire — qui avait donné soixante-quinze dollars pour acheter Mousseline — mes encouragements les plus convaincus. Mousseline était trop dépaysée. Mousseline demain serait accoutumée. Demain elle mangerait et recommencerait à donner du lait.

En attendant, elle beuglait, beuglait. Marie pour la consoler ne l’embrassait pas, mais c’était tout juste. Elle la suivait, s’embarrassant avec elle dans sa corde, trébuchant, se déprenant, après avoir désenroulé les pattes de la belle Mousseline !

Il avait été décidé qu’on la laisserait dormir dehors. On l’avait tout le jour changée de place, pour voir si, d’un arbre à l’autre, elle finirait par trouver un coin à son goût. Je restais à veiller. Nous aurions pu être tranquilles, au coin du feu, et parler du dernier livre arrivé. Mais ce beuglement qui dominait le bruit des vagues et nous poursuivait, c’était trop. Marie à la fin déclara :

— Je vais la mettre dans l’étable. Qui vient m’aider ? Elle se consolera peut-être, entre quatre murs !

Nous n’étions à ce moment-là que des femmes. Quelques-unes, comme moi, absolument sans