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II

MOUSSELINE


Je me demande ce qu’est devenue Mousseline, Mousseline qui a délibérément refusé d’améliorer son sort, Mousseline qui a préféré l’amitié et un pré rasé et sec, à la solitude dorée d’un gras et vert pâturage.

C’est une assez longue histoire.

Habitant le banc de sable que l’eau lisse du barachois sépare du village, nous étions, tous les étés, dans une situation laitière misérable.

Un cheval maigre, tirant une voiture cahotante, nous apportait chaque jour autour de midi, des bouteilles à moitié remplies et qui se chauffaient au fort soleil de la Gaspésie depuis six heures du matin. Le cheval avait parcouru une dizaine de milles, desservant sans se hâter deux villages accotés l’un sur l’autre. Il nous apportait ensuite les restes.

Il faut dire que le vieil Irlandais, son maître, qui faisait la tournée, était pittoresque et amusant. Mais ses propos galants ou rosses n’empêchaient pas notre lait de surir aussitôt que sa haridelle avait tourné le dos. C’était, désastreux. Il nous