Page:Le Normand - Enthousiasme, 1947.djvu/179

Cette page a été validée par deux contributeurs.
177
il n’y a pas de sot métier

Ce temps clair, ce ciel si bleu, cette neige si éblouissante, et ces petites maisons canadiennes qui copiaient celles des ancêtres en tons si gais, c’était tout ce qu’Yvette souhaitait comme paradis. Elle enfila, entre les hôtels, une route qui menait vers les champs. Sur la côte 40, les skieurs zigzaguaient, montaient, descendaient pareils à des jouets mécaniques. Que ce village était joyeux ! Qu’elle l’aimait.

Elle fut bientôt au sommet d’une piste en pente douce et longue. Elle se laissa glisser, soudainement indifférente à tout ce qui n’était pas ce moment présent, tout rempli d’espoir. Sous ses skis la neige était moelleuse et elle se sentait sans poids, légère, ailée… Elle pensait au lendemain. Une fois sur la route, elle dut se pousser de ses piolets, pour avancer plus vite, et elle priait en elle-même :

— Mon Dieu, faites que maman ne m’emmène pas en ville…, mon Dieu, faites que maman ne m’emmène pas en ville…

Un quart d’heure de course au bas des énormes montagnes, et ce fut les ailes d’un moulin à vent, puis la tranchée qui descendait à sa maison, sous les bras chargés de neige des pins…

L’après-midi, le fermier apporta le voyage d’érable sec, Yvette cessa de chicaner le bois vert, et une vraie chaleur enfin inonda la maison. Elle chantait en travaillant. Il fallait que tout fût propre pour la Noël. Et au moins, cette nuit, la fournaise et le poêle bien bourrés, elle pourrait dormir plus tranquille.