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enthousiasme

bientôt tous les champs, tous les talus, toutes les maisons de la côte des Bois Francs, de celle de Vertu, et aussi la jolie Montée des Sources et celle de Sainte-Geneviève. Elle vit chez les maraîchers, pousser dans les couches chaudes, les premières salades, et sortir la désaltérante rhubarbe. Le petit panier de métal qui avait rapporté les précoces fleurs de mai, se garnissait maintenant de radis, de laitues que Mathilde pouvait se vanter d’avoir eu pour une chanson. Plus tard, un gros bouquet de lilas cacha souvent un pot de vraie crème achetée à quelque cultivateur.

Que pédaler était amusant ! Que Mathilde aimait le printemps et le bon Dieu qui le faisait si beau ! Et sa bécane, qui lui avait fourni ce moyen de le voir si bien ! Parfois, une amie partageait avec elle les délices de la promenade dans l’air odorant et plein de promesse. Mais jamais un instant Mathilde n’hésitait à partir seule si l’amie qu’elle demandait se faisait prier. Il n’était tout de même pas normal à son âge de goûter sans mesure une pareille solitude. Un jour, pour rencontrer le printemps, elle ne serait plus seule, sans doute. Et tout en roulant, il était bien permis de se bercer de rêves, d’échafauder des projets d’avenir… En attendant, pédaler même avec le vent comme unique compagnon de route, pédaler était un délice. Voir son élan déplacer tout le paysage, voir les forêts lointaines qui paraissaient la suivre pendant que les arbres plus proches se laissaient dépasser et semblaient reculer. Pédaler, et regarder dans les yeux chaque maison ouverte sur la route. Pédaler et guetter amicalement les