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enthousiasme

— Jusqu’au bout du chemin, jusqu’au vieux chêne. Ensuite je m’enfoncerai dans votre forêt de conte de fées…

S’en allant, elles se retournaient toutes les deux pour admirer le grand château. Dans toute cette verdure, c’était vraiment un château romantique. Un léger vent leur apportait la senteur de terre, de champignon, de feuilles.

Au bout de la route droite, elles se séparèrent.

Marielle s’engagea dans le chemin des bois. Elle aspirait le bon air ; elle regardait tout avec avidité. Dans trois jours, elle s’en irait, retournerait à sa petite vie de ville, elle n’aurait plus toute cette beauté, cette tranquillité.

Comme elle entrait dans le champ qui séparait les érablières, elle éveilla des marmottes assoupies sur les roches chaudes et qui déguerpirent ; elle écouta la ritournelle d’un pinson-chanteur, elle se répéta :

— Que c’est beau !…
et poussa un grand soupir ; le genre de soupir que l’on pousse lorsque l’on s’aperçoit que vraiment on ne peut pas être heureux, qu’il manque toujours quelque chose aux bonheurs de ce monde.

C’est en effet parce qu’elle réfléchissait que Marielle avait poussé ce soupir. Elle, elle aurait pu être heureuse dans ce château ; et autour ! Elle avait la santé, elle adorait vivre dehors et dans la solitude, elle pouvait marcher des heures sans jamais être fatiguée ; avec les arbres, avec la terre, elle ne s’ennuyait jamais, — du moins elle le pensait.