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enthousiasme

Marielle sentait qu’une grande inquiétude leur serrait la gorge. Suzanne était très malade. Elle l’apprit dans un grand solarium qui était vraiment un autre coin de paradis. Tout y chantait l’espérance ; les fleurs de la cretonne, le vert des meubles, et tant de livres sur les rayons pour le bonheur de l’intelligence.

Mais Suzanne était très malade. Rien ne pouvait plus être parfait. Elle pourrait guérir, mais jamais plus, ou du moins, pour de longues années à venir, elle ne pourrait plus comme les autres jeunes filles nager, jouer au tennis, courir, marcher même…

Marielle acheva peu à peu la visite du château de rêve ; l’aile des invités, l’escalier de la tour si amusant, l’aile où habitaient les garçons, leur studio, et le troisième, où personne encore n’habitait, mais où de grandes chambres, plus encore que celles du second, faisaient le phare au dessus de la mer de feuillage.

Le soir, aucun bruit ne montait jusque là, à part le cri des oiseaux nocturnes. La lune planait sur ce grand silence avec un tel éclat qu’elle forçait les yeux à s’ouvrir. Elle était brillante et blanche et traçait un chemin au-dessus des arbres.

Parfois Marielle entendait la voix de Suzanne qui demandait à travers le mur :

— Dors-tu, Marielle ?

Elle allait la rejoindre et elles parlaient un peu et parfois elles retrouvaient ensemble leur insouciance et riaient comme des folles pour des riens. Mais plus souvent, la lune augmentait l’angoisse