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enthousiasme

Marielle eut tout l’hiver, tout le printemps pour rêver au Château. Elle devait d’abord y aller pour les sucres. Les choses ne s’arrangèrent pas, et elle en fut aussi heureuse. Mieux valait voir les bois lorsqu’ils étaient feuillus.

La mère de Suzanne revint aux premiers jours de mai, ayant fini l’installation du château et comme Marielle écoutait si bien, elle lui versa son enthousiasme, par brassées…

Son château, elle l’aimait de plus en plus. Ce qu’elle avait acheté couvert de neige, sortait de l’hiver éclatant de couleur. Elle avait vu le sous-bois sous un tapis blanc de trilles ; un véritable tapis, et des trilles énormes… Elle avait vu toute la forêt passer du noir au tendre roux des bourgeons ; puis verdir presque soudain de mille différentes teintes. Elle avait parcouru ses bois, sans pouvoir en trouver la limite, marchant une heure, deux heures, sans arriver au bout. Il y avait de vieux chênes énormes, des noyers dont les branches crochues étaient extraordinaires, il y avait tant d’érables, que l’on ne pouvait pas les compter, il y avait des armées de jeunes bouleaux graciles et tout blancs, et des armées de minces trembles.

— C’est sans valeur comme bois de chauffage, intercalait la nouvelle châtelaine au milieu de son récit descriptif, mais c’est joli à voir pousser…

Il y avait des armées de jeunes hêtres aux troncs criblés d’yeux noirs. Il y avait un jardin tout jaune de jonquilles et tout blanc de narcisses…