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enthousiasme

qui bordaient encore le chemin baissaient à vue d’œil. Les branches rousses des peupliers paraissaient en bourgeons. Mais en approchant, Mathilde était bien forcée de constater que ce n’était que leur écorce encore nue dont la couleur fauve ressortait à côté du gros tronc rugueux et gris.

Mais le printemps était tout de même arrivé. En cela, personne ici n’aurait pu la contredire. Un mouvement d’eau s’entendait sous cette neige défraîchie qui couvrait encore la terre. La route était bien débarrassée ; et si les champs presque partout restaient cachés, par ci, par là, se montrait quelque grande plaque de sol, ou tout de suite poussait un duvet vert.

Ah ! c’était bien le printemps, et grâce à sa bécane, Mathilde pouvait ainsi venir à sa rencontre !

De plus en plus elle se sentait exaltée et heureuse. Son nez trop court n’avait plus aucune importance. Elle pédalait, détendant l’une après l’autre ses jambes avec une vraie béatitude. Parfois, donnant des coups plus forts, elle pouvait ensuite se laisser aller… Ou bien, elle se levait, et dressée, se sentait soudain aussi grande que si elle eût monté un cheval… et son air, et sa tête, avec ses cheveux flottants, exprimait plus que tous les V du monde, la Victoire…

Mathilde était venue au devant du printemps, et prématurément, Mathilde fêtait la victoire du printemps sur l’hiver définitivement condamné à mort… Un vent délicieux lui caressait les oreilles, faisant un bruit de coquillage ; des odeurs de verdure embaumaient, même si nul arbre n’était