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costume de pâques

dans la promiscuité mal odorante des tramways bondés, qui la faisait tant souffrir.

Mais voilà, elle l’aurait son beau costume. Le couturier marmottant des salutations en un anglais fantaisiste et incorrect, venait vers elle, l’étoffe sur le bras, et sa fille le suivait la bouche remplie d’épingles.

Marise enleva son manteau, se planta devant la glace. La fille piquait des épingles sur un coussinet, se libérant la bouche pour parler. Marise crut qu’elle se préparait à l’entretenir aimablement, pendant l’essayage. Mais non, ce n’était pas cela. C’était pour interroger son père.

Les quatre mains unies du père et de la fille drapèrent l’étoffe en jupe pendante et longue, puis en jaquette courte et encore informe. Le couturier s’éloignait, revenait, tournait et retournait Marise. Il l’examinait vraiment sans tendresse. Il n’avait l’air ni avenant, ni aimable, loin de là. Il la lorgnait, le front soucieux, l’œil critique. Faisant un pli ici, un pli là, il grimaçait, les sourcils, froncés. Puis il confia ses observations à sa fille, exactement comme si Marise n’était qu’un mannequin sans oreilles. Autour d’elle s’enroulait le drôle de dialogue monosyllabique. La jeune fille parlait si affreusement l’anglais que Marise ne saisissait pas un mot de ce qu’elle disait. Mais le vieux, par ailleurs, articulait si rageusement son anglais, non moins fantaisiste, que Marise pouvait le croire furieux.

Elle commençait à se sentir moins à l’aise et moins sûre de son chic !