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enthousiasme

tains jeux même. Malgré les rires, cependant, tout le monde est bien forcé de reconnaître que son ardeur réchauffe l’atmosphère.

Et Mathilde la réchaufferait encore plus, si elle ne dissimulait pas certaines de ses exaltations !

Ainsi, elle n’a presque pas dit comment elle trouve cette année que le printemps est beau.

Mais l’avait-elle assez espéré ! Elle qui pourtant, adore l’hiver, elle s’était mise à rêver dès le premier dégel, aux routes sans neige, parce qu’elle avait tant hâte d’étrenner cette bicyclette neuve qui attendait dans la maison depuis le jour de l’An.

Quand Mathilde était petite, elle refusait qu’on lui offrît ainsi au premier janvier, un cadeau qui ne pourrait servir qu’à l’été. Cette fois, elle avait demandé elle-même, pourtant, cette bécane qui était en décembre la seule trouvable dans la grande ville. Il y avait disette. Il ne fallait pas laisser échapper la chance. Depuis trop longtemps, elle pédalait sur les bicyclettes empruntées à ses frères, elle voulait enfin la sienne.

Elle l’avait eue. Au sous-sol, la bécane semblait attendre bien patiemment le bon état des routes. Mathilde, elle, s’énervait un peu. À tout instant, si l’amour-propre ne l’avait pas retenue, elle serait descendue voir sa bicyclette, la palper, l’admirer, même si elle n’avait rien d’admirable. Quand, par bonheur, tout le monde sortait, Mathilde laissait vite le travail en train, dégringolait l’escalier. Ouvrant la porte du garage, pour en avoir plus grand où circuler, elle enfourchait son Pégase nouveau genre, et faisait quatre ou cinq fois le tour du sous-sol. Mais ce n’était guère