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qui m’est toujours resté dans le souvenir comme empreint d’un charme indicible. C’est dans son « Écolier » pour la paresse duquel elle a des trésors d’indulgence et ce vers le voici :

« Un frais lilas sortait d’un vieux mur entr’ouvert »

Qu’y avait-il de si particulièrement touchant dans ce « lilas qui saluait l’aurore » et que je voyais en esprit tout couvert de gouttes de rosée comme ceux du jardin le matin, bien que le mot rosée n’y fût point prononcé, car les vrais poétes évoquent plus encore qu’ils ne disent. Pourquoi ce vers m’était-il resté présent à la mémoire au milieu de tant d’autres appris et oubliés ? J’ai cru le comprendre depuis, c’est que ce lilas tout frais et perlé de larmes attendries, sortant du creux d’un vieux mur entr’ouvert, était le symbole de la poésie de Marceline Desbordes-Valmore, poésie douce et sereine dans la tristesse même, éclose sur les ruines de tous ses bonheurs perdus.

Elle a aimé, elle a souffert, elle a pleuré. Elle a eu pour sa chère ville de Douai une affection pleine de reconnaissance. Elle est morte, mais son œuvre vit immortelle ; car pour les êtres qui comme elle ont vibré à tous les sentiments bons et charitables, il est une aurore qui se lève après toutes les douloureuses épreuves traversées, après la mort matérielle et brutale, et pour eux, cette aurore charmée comme celle que saluait les frais lilas,

« Se montre sans nuage et se rit de l’hiver »