Page:Le Monument de Marceline Desbordes-Valmore, 1896.pdf/34

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 22 —

Paris, où on lui avait dit qu’était la liberté du prisonnier. On les ramena le soir à leur mère. Mais, depuis lors, sa belle voix mendia obstinément la liberté des prisonniers de Perrache et celle d’Armand Barbés. Son cœur fut avec Napoléon Bonaparte au fort de Ham, avec Raspail à Doullens. Faible, elle obsédait les puissants pour leur arracher des grâces. Ainsi, elle mérita d’être appelée, comme l’a fait Sainte-Beuve, « l’âme féminine la plus pleine de courage, de tendresse, et de miséricorde ». Elle était en sympathie avec toute la nature, ce fut son don précieux et c’est par là qu’elle fut poète.

En 1856, vieillie, mais toute jeune encore de tendresse humaine, elle écrivait à une amie qui lui ressemblait un peu, du moins par la destinée, Pauline Duchambge, ce mot heureux, ce mot trouvé, qui la peint :

« Nous pleurons toujours, nous pardonnerons et tremblerons toujours. Nous sommes nées peupliers ».

Ai-je besoin de vous rappeler, messieurs, que dans sa vie déracinée, sous les affres de Lyon et plus tard dans les ennuis de Paris elle gardait de la ville de Douai un cher souvenir et qu’elle exprima dans des vers, que vous savez par cœur, le regret de la maison natale !

N’irai-je plus courir dans l’enclos de ma mère,
N’irai-je plus m’asseoir sur les tombes en fleurs ?

Espérance faible et timide, et qui ne lui était pas même permise ! Marceline ne devait plus revoir sa ville qu’un moment, au déclin de sa jeunesse, lorsque venant d’Italie, elle traversa les Flandres pour aller à Bruxelles changer de misère. Nulle épreuve ne lui fut épargnée. Mère douloureuse, elle vit mourir ses deux filles charmantes, l’une à vingt ans, l’autre un peu plus âgée, en plein bonheur.

Pourtant, cette vie humble et dure fut éclairée par des rayons de gloire. Marceline Desbordes-Valmore fut aimée, admirée des plus grands et des meilleurs. Victor Hugo, Alfred de Vigny, Alexandre Dumas, Michelet, Béranger, Brizeux, Sainte-Beuve la tenaient pour leur parente en esprit et pour une âme de la famille. Lamartine qui sut la deviner toute entière, lui adressa une ode digne de lui et d’elle :

Ta voix enseigne avec tristesse
Des airs de fêtes à tes petits,
Pour qu’attendri de leur faiblesse
L’oiseleur les épargne et laisse
Grandir leurs plumes dans les nids,