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déclin, prendre sous sa bienveillante protection un grand poète qu’il juge méconnu et une pure gloire qu’il présume oubliée ?

L’était-elle à ce point ? Malaisément l’admettraient les compatriotes de Marceline. Car ils avaient, de très bonne foi — combien d’années ont passé depuis ! — résolu de lui élever un monument. Mais les comités ont la fortune de Sisyphe : ils roulent en vain de beaux projets, les projets retombent toujours. Mieux qu’un autre, le sculpteur Houssin pourrait dire par quelles traverses sa patience et son zèle furent mis à l’épreuve. De guerre las, il prit le parti d’aller de l’avant. Du tas de ses esquisses il tira la meilleure et, dès 1893, exposa une maquette à la Société des Amis des Arts, de Douai. Le comité continua son inutile roulement. Sur ces entrefaites, éclatait le gros tapage d’une conférence à la Bodinière. Les feuilles publiques s’emplirent de M. le comte Robert de Montesquiou. Grande fut la surprise, en même temps que la joie, d’Édouard Houssin en apercevant, derrière la hautaine silhouette de l’aède subtil et quintessencié du Chef des Odeurs suaves, l’humble forme vague de Marceline. Par un coup du sort, le sculpteur se trouvait à l’improviste lancé dans le courant de l’actualité. Il en profita, poursuivit activement l’exécution de son modèle, et le plâtre en figura au Salon de 1895 avec un succès immense. Une fois de plus, on acclama le beau talent d’Édouard Houssin. C’est alors que, sur l’initiative de son président, M. le baron Boissonnet, intervint la Société d’Agriculture, Sciences et Arts de Douai. Elle fit appel au patriotisme de l’Administration Municipale : des fonds furent votés, très généreusement M. Robert de Montesquiou promit de parfaire la somme nécessaire à l’érection de la statue, l’éminent architecte Dutert offrit son gracieux concours pour le piédestal. Et voilà comment, le 13 Juillet 1896, Marceline eut enfin le monument que tous appelaient de leurs vœux depuis tant d’années. Ses yeux levés vers le ciel, ses bras tordus dans un geste de désespoir n’impliquent point l’amer ressentiment d’un oubli auquel on a eu tort de croire, car il eût été sacrilège ; c’est, dans le bronze — et déplorons que ce ne soit pas dans le marbre — l’expression et l’attitude qui, semble-t-il, convenaient le mieux à la grande éprouvée.

Ce livre contient, non ce qui reste d’un feu d’artifice après la fête, des carcasses noircies et du carton à demi consumé, mais les belles pages vibrantes qu’a dictées l’ombre du poète aimé. À côté de MM. Anatole France et Catulle Mendès, on entendra M. Charles Bertin, maire de la ville de Douai, adresser à la Muse désormais consacrée un solennel salut au nom de la cité tout entière, et Madame Demont-Breton louer celle dont elle est la sœur par le génie, la tendresse et le sentiment maternel. L’allocution de l’illustre peintre est fraîche