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allée, qui était aux Brotteaux. Passent deux bleus, bons diables, qui la ramassent, la font s’expliquer, parviennent à comprendre ses bredouillements, et la montent, non sans peine, à son appartement. Savez-vous, Madame, dit l’un d’eux en s’en allant, que nous aurions pu vous arrêter ? — Croyez-vous, répondit-elle avec dignité, que je ne suis pas une assez bonne b…esse pour passer une nuit à la Cave ?

En 1857, M. Vaïsse transformant l’hôtel de ville en préfecture, il supprima la Gave et fit transporter la geôle provisoire à l’hôtel de police de la rue Luizerne.

CAVET, s. m. — Sobriquet donné aux canuts. Je crois fort que c’est un mot d’argot (cavé, dupe), importé par les petits journaux qui veulent parler Guignol, et parlent surtout la langue verte. On ne rencontre pas une fois cavet dans Revérony ni dans Ét. Blanc, et je ne l’ai jamais entendu dans ma jeunesse.

CAVEUX, s. m., terme de gones. — Poltron, capon. On le fait généralement précéder de l’épithète de sale, Sale caveux, va ! — Probablement fait sur cave ; caveux, qui se cache à la cave, qui se terre.

CAVON, s. m. — Caveau, petite cave où l’on met le vin fin (quand on en a). C’est du vieux franç. « Ils les encavent (les vins) en cavons et en celliers. » (Du Pinet.)

CAYE (ka-ye), s. f. — 1. Parlant par respect, La femme du cayon.

2. Gros chantier que l’on place par-dessus les madriers nommés cayons, quand on presse la vendange (Voy. cayon 2). — Image de la truie couvrant ses marcassins.

Étym. — M. Cornu donne, parlant par respect, cacare. Mais pourquoi les porcs auraient-ils seuls tiré ce nom d’une faculté qu’ils partagent avec tout le monde, voire avec les philologues eux-mêmes ? Le kymri cagl, fange, fiente ; caglog, souillé de fange, irait bien comme sens et comme forme, et il expliquerait la forme languedocienne caliou. Le cayon serait le « souillé de fange ». Le fâcheux est que caye a dû précéder cayon, comme coche à précédé cochon, et que dans caye, on ne voit pas le suffixe indispensable pour former un dérivé de cagl.

CAYON, s. m. — 1. Parlant par respect, Habillé de soie.

Ladre comme un cayon. — Très avare. Dans ce dicton, on joue sur le mot ladrerie, maladie du porc, et ladrerie, avarice, quoique je n’aie jamais pu comprendre le relation (qui remonte au moins au xvie siècle) entre les deux sens.

D’un bon cayon, hormis le… bran, tout est bon.

L’honnête Cotgrave donne le même proverbe sous une forme bien plus gros- sière : Le porc a tout bon en soy, fors que la m… Il ajoute cependant cette restriction que j’aime mieux laisser au lecteur (tout le monde sait l’anglais maintenant) le soin de traduire : Yet is the dung of a hog an excellent remedy for bloudspitting (blood spitting); but it must first be eaten, fried with sweet butter, and some of the bloudy spittle.

Autant qu’un cayon n’en peut compter, c’est-à-dire un, le cayon faisant toujours hun, hun, et jamais deux.

Il ira loin si les cayons ne le mangent pas en route, pour indiquer qu’un jeune homme est plein d’avenir, toutefois avec une restriction bien naturelle.

Amis comme cayons, Très unis. Il parait que les cayons, entre eux, sont bons amis. Il est plus convenable de dire amis comme … frères, et cela revient souvent au même.

C’est donner de la confiture à un cayon. Répond au margaritas ante porcos des latins. Le génie populaire est partout le même.

Nous n’avons pas gardé les cayons ensemble. Manière noble de faire entendre à quelqu’un que l’on entend conserver son quant à soi. Un monsieur de ma connaissance avait un domestique d’humeur susceptible. Un jour, pour adoucir un petit reproche, il l’appela « mon ami ». Monsieur et moi, fit le domestique avec dignité, nous n’avons pas gardé les cayons ensemble.

Au fig. sale, malpropre. Un père dira à son fils avec bonté : Auras-tu bientôt fini de pitrogner comme ça de la bouse de vache, petit cayon !

Qui se marie est content une journée, qui tue un cayon est content toute une année. Proverbe inventé par un mari repentant.

Un marchand est comme un cayon dont on ne sait s’il est gras que lorsqu’il est mort. Il y a en effet bien des gens dont la mort seule révèle l’embarras des affaires.