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AVANT-PROPOS



Les matériaux de cet ouvrage étaient en grande partie préparés depuis bien des années déjà, mais l’auteur avait à peu près renoncé à les mettre en œuvre. Outre qu’il reculait devant un travail considérable, son esprit était tourné d’un autre côté, et il lui semblait qu’à son âge, et au seuil de l’éternité, il avait autre chose à faire qu’un recueil de mots et de plaisanteries populaires. Il avouera que les instances sans cesse répétées de son aimable éditeur et ami sont venues à bout de ses hésitations. L’auteur, il le confesse volontiers, n’a jamais su résister aux sollicitations affectueuses, et c’est pour cela spécialement qu’il a toujours remercié les dieux de ne pas l’avoir fait naître femme.

Le langage populaire comprend nécessairement beaucoup de mots libres et beaucoup de mois bas. Les proscrire entièrement serait enlever ce qui est la caractéristique de ce langage. Mais on a tâché que les gandoises que cet ouvrage a dû reproduire fussent de celles qui font sourire et non de celles qui font rougir. On a, bien entendu, rejeté les termes obscènes, et s’il en est resté un ou deux que leur intérêt philologique devait faire retenir, on a, comme dans le Dictionnaire du patois lyonnais, donné la signification en latin. Il n’en reste pas moins qu’un recueil de ce genre n’est pas pour être placé sous les yeux des jeunes filles.

Mais si l’auteur avait pu reculer devant la mise au jour de ces humbles gandoises, il avoue que tous ses scrupules auraient été levés par les divers dictionnaires d’argot parisien qu’il a dû lire, et auprès desquels un recueil du langage lyonnais dans ses plus grandes libertés serait un modèle de décence. Oyez la voix discrète d’un de nos bons canuts, contant quelque gognandise honnêtement, de façon naïve, légèrement narquoise (les deux choses peuvent s’allier), à demi-mot.