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Villon traduit mal. Dans la Vulgate, le fil n’est pas büclé, mais coupé : succiditus. Quoi qu’il en soit, on voit qu’au temps de Villon, déjà les tisserands bûclaient les fils qui dépassaient le tissu. — De bustulare, fait sur bustum, brûlé.

BUCOLIQUES, s. f. pl. — Menus objets, ciseaux, pelotons, plumes, trousses, etc. Un mari trouvant sa table encombrée, à sa femme : Auras-tu bientôt fini de m’embroncher de toutes tes bucoliques ? — Comme il faut que ces Lyonnais aient ancré profond le sentiment de la nature, pour avoir donné un nom si poétique à des objets qui n’ont rien de champêtre par eux-mêmes !

BUFFALO, s. m. — Sorte de car-ripert très léger, ouvert de toutes parts. M. Clédat a expliqué la formation de ce mot. En 1889, un Américain, qui avait pris le nom de Buffalo-Bill (mot à mot Guillaume Buffle), donne à Lyon des représentations d’une sorte de cirque de sauvages et de chasseurs de buflles, sur un terrain éloigné, au cours Lafayette. La Compagnie des Tramways organisa un service fait par ces voitures, qui étaient encore inconnues à Lyon. Comme elles conduisaient à Buffalo-Bill, le peuple leur donna aussitôt le nom de Buffalo, qu’elles ont gardé.

BUGEY. — En Bugey, le plus honnête homme a volé deux paires de bœufs. Les Bugistes, de leur côté, doivent avoir d’autres proverbes non moins flatteurs pour nous.

BUGISTRE, s. m. — Bugiste. — De même jésuite est devenu jugistre.

BUGNASSE, s. f. — Superlatif de Bugne. — Je ne sais pourquoi à l’Académie française on pratique la fausse orthographe pugnace. « Vous êtes pugnace, Monsieur, » disait naguère M. le comte d’Haussonville en réponse au discours de réception d’un très éminent critique. À l’Académie du Gourguillon où nous écrivons bugnasse, nous n’oserions jamais nous dire de telles choses, ou du moins nous le dirions plus correctement.

BUGNE, s. f. — 1. Sorte de pâtisserie en forme de couronne, frite dans l’huile.

Bugne à l’éperon, Sorte de beignet de pâte craquante, saupoudré de sucre. L’épithète à l’éperon vient de ce que, pour découper la pâte, aplatie en feuille sur la planche à pâtés, les cuisinières se servent d’un instrument assez semblable à l’éperon du cavalier.

Bugne à la rose, Autre sorte de beignet sucré en pâte très légère et parfumée comme son nom l’indique. On la criait par les rues sur la mélopée suivante :

[partition à transcrire]

Bugne entre deux talons. Fi ! l’horreur !…

Notre bugne est le même que le vieux franc. beigne, bugne, bigne, beugne, sortes de crêpes roulées et frites comme nos bugnes.

2. Au fig. Benêt, caquenano. S’emploie surtout avec le mot grande. Va-t’en donc, grande bugne ! disait un jour un de mes camarades à un ami. Celui-ci, d’humeur un peu susceptible, de se récrier. Mais, reprend le premier, c’est pas pour te fâcher ! Je t’ai dit grande bugne comme je aurais dit grande bête ! — Oh, alors !… J’ignore d’ailleurs pourquoi une bugne est plus bête qu’autre chose.

Droit comme une bugne.Celui-là, quand i mourra, il ira au ciel droit comme une bugne ! Manière de gognandise, parce que la bugne est ronde.

3. Chapeau monté, chapeau à haute forme. Ge mot est employé à Neuchâtel, qui ne connait pas bugne, pâtisserie. J’en conclus que notre mot n’est pas un figuré de bugne 1 (ce qui d’ailleurs n’aurait point de sens), mais qu’il a une origine différente, se référant peut-être à la fabrication de la chapellerie.

L’espagnol a bugnelo ; en grec, bougnos. (M. D.)

BUGNON, s. m. — Diminutif de bugne 2. Un certain Philibert Bugnon, fort ignoré, conseiller et avocat du Roi en l’élection de Lyon, mort en 1590, a été l’objet d’une docte thèse latine de M. Ferdinand Brunot, alors chargé de cours à notre Université de Lyon, aujourd’hui maitre de conférences