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TUNER, v. n. — Boire abondamment, faire ripaille, se divertir. À propos de ce mot, Cochard dit : « On prétend qu’à l’époque des croisades, on établit, dans l’endroit que les Carmes déchaussés, ont habité à Lyon, des croisés venant de Tunis, qui étaient malades ; que, de là, ce local fut appelé la maison de Thunes ; que, dans la suite, il y eut une auberge où l’on allait souvent se divertir ; que de là est venu le mot tuner pour dire se divertir. » La présence du mot en Lorraine et en Limousin met à néant l’explication qui avait cours au temps de Cochard, et qui a été souvent reproduite. Je crois que l’origine est dans le provençal touno, grande futaille, d’où touner, tuner, boire abondamment. Cependant il faut remarquer que plusieurs dialectes ont la forme tumer, qui pourrait se rapporter au vieux franç. tumer, sauter, danser et dont tuner pourrait être une transformation avec dérivation de sens.

TUPIN, s. m. — Pot. Sourd comme un tupin. Voy. sourd. On connait à Lyon la rue Tupin et la rue du Tupin rompu. — Du vieux haut allem. toph, pot.

La rue Tupin, spirituel calembour pour désigner l’œsophage.

TURLUBERLU, TURLEBRELU, s. m. Hurluberlu, dont il est une corruption.


U


UN, UNE. — Une heure ont sonné. Exemple de la puissance de l’analogie ! Onze fois sur douze il faut employer le pluriel (deux, trois heures, etc., ont sonné). Quoi d’étonnant à ce que l’habitude le fasse employer le douzième fois ?

Sur les une heure. Littré donne comme française cette phrase, que je croyais un idiotisme populaire. Si l’on peut dire « les une heure », on doit bien pouvoir dire que une heure ont sonné.

Il y a d’uns et d’autres, Il y a de diverses espèces. Sont-ce des filous, sont-ce des honnêtes gens ? — Il y a d’uns et d’autres. Je crois cette phrase très correcte.

L’un dans l’autre est français ; mais cette façon de parler est encore plus bizarre que toutes les précédentes.

Ce monsieur est un Italien pour Ce monsieur est Italien. On comprend très bien la raison de l’addition de un. On ne dirait pas : Cette pièce de cinq francs est une italienne. Le un accuse l’idée de personne.

UN QUELQU’UN. — Quelqu’un. Pléonasme archaïque encore très usité.

URBAIN, s. m. — Bleu. — De ce que les gardiens de la paix ont porté dans les temps le nom de gardes urbains. Or nous les appelons de tous les noms qu’ils ont pu avoir jadis, mais jamais de celui qu’ils ont.

USAGE, s. m. — Usage du monde, savoir-vivre. Ce monsieur n’a gin d’usage. Autant dire : C’est un pacan.

Faire de l’usage, Faire un long service. À ceux qui ont l’habitude de soigner leurs affaires, il n’est pas étonnant qu’elles fassent de l’usage. Étant jeune homme j’avais un gilet à fleurs qui me faisait seulement sa seconde année. Une jeune dame eut l’impertinence de me dire : Vous avez là un gilet qui vous fait bien de l’usage ! J’avais la langue levée pour lui répondre : En effet, Madame, il me fait plus d’usage que vous n’en avez. Mais je réfléchis que ce serait n’en point avoir moi-même, et je fis comme le dinde, qui ne disait rien, mais n’en pensait pas moins.

Faire un usage de pauvre. Se dit d’une étoffe ou d’un objet quelconque si résistant que l’on n’en peut voir la fin. Constamment employé. — Lorsque l’on voulut marier Mlle  X…, dont j’ai parlé à pitrogner, Mme  X… prit sa fille en particulier et lui fit connaître qu’elle avait jeté les yeux