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ATTRAPE, s. f. — Farce, mystification. Généralement on ne le croit pas français ; il est cependant au Dictionn. de l’Acad. Je conseillais à un jeune architecte d’aller un peu dans le monde. Comme il n’accueillait ces ouvertures qu’avec réserve, je lui en demandai la raison. Aller dans le monde, me dit-il, ce n’est pas toujours si agréable. La dernière fois que j’y suis allé, ils ont mis de la m…élasse dans mon chapeau. Je n’aime pas ces attrapes.Subst. verbal d’attraper.

AUBERGE, s. f. — Alberge. C’est le vieux mot et le bon. Il faut dire auberge, comme on dit aube, aubour, auberge (logis) et et non albe, albour, alberge.

AULAGNE, s. f. — Noisette. Quand on est jeune, on n’a gin d’aulagnes ; quand on est vieux, y a prou d’aulagnes, mais gin de dents pour les casser. — D’avellanea.

AULAGNIER, s. m. — Noisetier. — Aulagne + ier, comme prune + ier, amande + ier, etc.

AUMÔNE. — Des yeux à demander l’aumône à la porte d’un… Tiens, je suis embarrassé pour finir !… Le lyonnais est parfois sale. — À la porte de quoi ? Est-ce d’un logis ? Oui, si le logis ressemble à un haut-de-chausses. — Se dit des femmes qui n’ont pas les yeux dans leur poche.

AUMÔNIER. — L’aumônier des chiens. Titre irrévérencieux sous lequel on désigne à Lyon l’aumônier de l’Académie, je veux dire de l’École vétérinaire, bien entendu.

AUMÔNIEUX, EUSE, adj. — Qui fait beaucoup d’aumônes. À Lyon, il y a beaucoup de gens aumônieux. Quand M. le comte d’Herculais, notre propriétaire sur le quai Monsieur, tout petit, avec ses deux touffes de cheveux gris sur les tempes, ses yeux demi-fermés, ses jambes maigres dans un vieux pantalon venant à la cheville, son petit camail râpé, son chapeau qui montrait le carton, sortait chaque jour de la messe de dix heures à la Charité, il était assailli par une bande de quarante à cinquante cougnes. Il donnait à tous, et le plus beau, sans jamais s’impatienter. Ce n’était bien entendu qu’un grain de mil dans ses aumônes. Tous ses revenus y passaient, avec des achats de livres. — Voilà un type bien lyonnais.

AUNAGE, s. m. — Avoir l’aunage, Avoir la mesure. Quand les bouteilles ont commenté à ne plus tenir le litre (1852), on a dit qu’elles n’avaient plus l’aunage. (P. B.)

AUNE. — Mesurer tout le monde à son aune. — Mme  Lacoca, en colère (elle est toujours en colère) : Je te dis que Mme Quiquenet trompe son mari !M.  Lacoca, pacifiquement : Ah bah ! Te mesures tout le monde à ton aune.

Allonger la demi-aune — Mendier. — De ce que l’avant-bras fait à peu près la longueur d’une demi-aune.

AUTANT, adv. — Aussi bien. — Je montais un jour la rue du Commerce, au bras de ce pauvre Émile Bonnardel qui, bien que très petit, était de taille bien prise, avait un grand nez à la François Ier, des yeux très noirs, et surtout une barbe épaisse, régulière, bien unie, auprès de laquelle la houille de Montrambert paraissait chlorotique. Passe une forte femme, brune aussi, nous dépassant de la tête, avec une poitrine, autant celle de l’épouse du Cantique des Cantiques. Jetant un coup d’œil d’appréciateur sur Bonnardel, elle dit, en passant auprès de nous : Une femme sans tetons, un homme sans barbe, autant une… (voir le reste dans V. Hugo). Si, malgré mon jeune âge, je n’avais pas eu déjà de la barbe, c’est moi qui aurais été humilié !

AUTEUR. — S’emploie pour Cause. M.  Quiquenet : J’ai une boucharle à la lèvre que me picole.Mme  Quiquenet, aigrement : Je n’en suis pas l’auteur. — Je me demande pourquoi c’est une faute. Entre « l’auteur de mes jours », comme disent les poètes, et « l’auteur de ma boucharle », je ne vois pas l’épaisseur d’un poil.

N’être pas l’auteur que les grenouilles n’ont pas de queue, Ne pas avoir inventé la poudre.

AUTERON, s. m. — Butte, éminence. — De hauteur, plus suff. on. Auteron représente hauteuron, écrit auteron pour indiquer qu’il n’y a pas d’aspiration.

AUTRE. — Me prends-tu pour un autre ? Me prends-tu pour un imbécile ? Ellipse : pour un autre (que je ne suis).

AUTREMENT. — Transition ingénieuse dans l’oraison. Et autrement, où le trouve-t-on,

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