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RARE, adj. neutre. — Extraordinaire, exceptionnel. M. Flanochon y est-i ? – Il est sortu, mais donnes un coup de pied jusqu’au café Crasseux, c’est bien rare si vous ne l’y rencontrez pas.

RAS, prép. — Juste, contre, touchant. La maison est ras la rivière. — De raser, au sens de frôler.

RASE, s. f. — 1. Rigole, fossé pour l’écoulement de l’eau.

2. Ruisseau dans le milieu de la rue. De mon temps, les enfants des deux sexes qui avaient été élevés à des habitudes de propreté allaient toujours, parlant par respect, faire pipi dans la rase. — Origine germanique : nordique râs, cours, canal ; râsa, courir impétueusement.

RASEUR. — Raseur de velours. Le veloutier, en fabriquant sa pièce, ne peut donner au poil une absolue régularité de longueur. Le raseur est un industriel qui pare à ce défaut au moyen d’un engin rasant les poils à la même longueur.

RASIBUS, prép. — La même chose que ras. Comme exemple, on peut citer le célèbre chanson :

Le roi de Sardaigne
Passant par Namur,
Vi un’ pauvre fenne, etc.

Mon lecteur sait assurément le reste, et combien le mot rasibus y trouve une élégante application. — Mot forgé sur ras avec une queue latine, comme dans debitoribus, rapiamus, etc.

Rasibus nettoyau. Latinisme cicéronien exprimant que l’on est complètement ratissé. J’ons joué chez Boyau avè de gones que je connaissais pas. Je sons sortu rasibus nettoyau.

RASSIE, adj. f. — Je ne veux pas de cette brioche, elle est trop rassie, pour rassise. Nous parlons ainsi par analogie avec épaissi, épaissie ; moisi, moisie ; mûri, mûrie, etc. Cette faute nous est si naturelle que je l’avais faite dans un beau manuscrit à imprimer. Le correcteur eut la bonté d’âme de corriger en rassise, et ce mot m’étonna d’abord beaucoup, car je n’avais jamais entendu dire que rassie. Puis une brioche « assise de nouveau » me semblait étrange. Je ne faisais pas attention que la même métaphore se présentait dans « pain rassis », parce que mon oreille était familiarisée avec le mot. — N’empêche, le correcteur avait raison.

À côté de la conjugaison asseoir, il y a eu une conjugaison assir, qui a persisté à la fois dans le picard et le provençal. Rassi et rassie s’expliquent. À remarquer que les dictionnaires donnent bien l’exemple : pain rassis, mais aucun : brioche rassise.

RAT, s. m. — 1. Caprice, lubie. Avoir un rat. Se dit d’une femme qui a un caprice et d’une serrure qui tantôt fonctionne, tantôt ne fonctionne pas. — De rat, quadrupède, mais la dérivation est bizarre. L’idée est-elle d’avoir un rat dans le cerveau ?

2. Terme de canuserie, Petit taquet de bois, portant en saillie un bout de buffle, qui chasse la navetle hors de la boîte du battant à bouton.

3. Avare, lésinier. Il est si rat que ça ne donnera pas deux liards à un affligé !

4. Mouillé comme un rat, Très mouillé.

Je ne comprends pas très bien le symbolisme de rat dans ces deux expressions. Les rats ne sont pas réputés pour porter à la caisse d’épargne, et ils semblent préférer aux bèches la huche au pain.

5. Courir comme un rat empoisonné. Voy. courir.

6. Le remède du rat. Beaucoup de maladies ont des remèdes populaires. Pour les enfants qui ont l’infirmité de faire pipi au lit, le tradition est, si la patte mouillée ne suffit pas, de leur faire manger un rat rôti Mais M. Chrétien n’était pas de cet avi parce qu’il disait que les rats ont des fois dans le corps des saletés qui peuvent donner d’autres maladies. Il faisait envelopper l’enfant, pendant la nuit, dans une chemise sale du père, parce que, comme cela, l’enfant pompe la force des reins du père. Ce remède était général. Je ne sais si l’on en use encore.

RATABOU, s. m. — Arrête-bœuf, ononis procurrens. Forme lyonnaise d’arrête-bœuf. Déjà Nicot, au xvie siècle, disait à Arreste-bœuf : « Le vulgaire des arboristes la nomment Resta-bouis. » Le ratabou fait de bonnes infusions qui amènent la sueur quand on a pris froid, et excitent à l’évacuation des superfluités de la boisson.

RATACONNER, v. n. — Faire de très grossières reprises à un bas. — Du vieux franç. taconner, mettre des pièces à un soulier,