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trop vif enlève brusquement un bouchon ou une coste, il arrive parfois qu’il fait tirer le coup de trame tout entier ou un fil de chaine et en arrache un morceau, ce qui est fort vilain. Ce défaut s’appelle une arrachure.

ARRAISONNER, v. a — Faire des remontrances. J’ai arraisonné ma femme, rapport que je la trouve tous les soirs à minuit avé le Michel, que c’est pas joli. — C’est raisonner avec le préfixe intensif a. Comp. arregarder, appeser. On dit aussi quelquefois arraisonner pour raisonner simplement. C’est h’un homme qu’arraisonne bien.

ARRAPER, v. n. — Adhérer. Le petit Jujules : M’man, ma chemise que s’est arrapée.La soupe de gaude a arrapé au fond du tupin. — D’arrapare pour arripere. La contre-partie s’est conservée dans le terme de marine déraper, lever l’ancre.

ARRAPEUX, EUSE, adj. — Se dit d’un objet qui a la qualité d’arraper. J’ai mangé de mélasse, ça m’a metu les mains tout arrapeuses.

Se dit aussi de certaines poires qui dessèchent la bouche en râpant la langue. C’est une forme de râpeux.

ARREGARDER, v. a. — Regarder attentivement, fixer fixement. I m’a z’arregardée entre les deux yeux… — Arregardez voire ! Locution pour manifester de l’étonnement. — De regarder, avec préfixe intensif. Le bon du Fall emploie agarder. « Car, agardez, elle eût échiné un homme. » En effet, cela se voit tous les jours.

ARRENTER, v. a. — Louer à bail. Arrenter une terre, une maison. — De renter, au sens primitif, avec préfixe intensif a.

Pour ce, le jardin lui transfère,
Que maistre Pierre Bourguignon
Me renta…

(Villon.)

ARRÊTÉ, adj. des 2 g. — Mon camarade Ricot n’eut jamais de chance. Il n’avait pas plutôt remonté sa montre qu’elle était « arrête » ; voulait-il manger une pomme, elle était « gâte » ; voulait-il aller à la campagne, il était sûr de recevoir une avale d’eau et de rentrer tout « trempe » : portait-il seulement trois ans un pantalon, il était « use » ; se trouvait-il deux minutes à un courant d’air, encore bien qu’il eût deux onces de coton dans les oreilles, il avait tout de suite la gaugne « enfle » ; mangeait-il seulement deux livres de flageôles, il était « gonfle », et s’il y ajoutait une livre de double, il était « tube ».

Remarquez que les sept attributs en question ont cela de particulier qu’ils sont des adjectifs et non des participes, c’est-à-dire qu’ils expriment un état, une qualité, et non une action. On dit : « cette pomme est gâte, » mais « cette pièce est gâtée », pour dire qu’elle a été gâtée par le canut. Dans le premier cas, la pomme a une qualité, dans le second la pièce a subi une action.

La formation d’adjectifs sur le radical des verbes est un vieux procédé de la langue française. Comp. asseür, sûr, d’asseürer.

ARRIÉRAGE, s. m. — Arriéré.

ARRIÈRE. — Être en arrière d’un terme, Pittoresque expression pour dire que l’on n’a pas pu payer le terme écoulé.

ARRIÈRE-GRAND-PÈRE, s. m. — Bisaïeul, Expression très heureuse et très exacte : le père en arrière de mon grand-père. On dit cependant que ce n’est pas français parce que l’aïeul est avant le père et non en arrière. C’est juste. Je reçois précisément une lettre de décès où il y a arrière-grand’tante. Pour parler français il eût fallu mettre avant-grand’tante, hein ?

ARRIMAIS, adv. et interj. — Donc, certes, présentement, en vérité. « Vous avez vu, arrimay, ce te z’heroïne d’Angolême, à l’aureure de sa jeunesse. » (Les Canettes.) — C’est ad retro magis, c’est-à-dire arrière et plus, passé au sens de : même plus, enfin plus, encore plus. Le vieux français arrier signifie « derechef, aussi ».

ARS (ar). — C’est un bois d’Ars. Se dit d’un endroit où l’on est pillé, volé. La Bourse est un bois d’Ars. Quant on a un peu dépassé Limonest, en allant à Villefranche, on a le bois d’Ars à sa gauche. L’expression vient de ce que jadis l’endroit était célèbre par ses arrestations à main armée. Notre bois d’Ars est la forêt de Bondy des Parisiens. — De l’all. Hartz, montagne couverte de forêts.

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