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2. Au fig. Nez. Se rougir le picou, Se culotter le nez par la boisson. — Du vieux franç. picol, quenouille de lit, qui me paraît représenter pedem coli.

PIDANCE, s. f. — Pitance.

PIDANCER, v. n. — Manger beaucoup de pain avec peu de viande, économiser le fricot. Votre petit sait bien pidancer, Votre enfant a été bien élevé : il n’a pas des habitudes de gourmandise. Ce sens est bien en rapport avec l’étymologie pictantia, petite portion de moine.

PIED. — Pied de métier, Les quatre montants du métier, qui supportent les estases et les clefs.

Tirer un pied de cochon à quelqu’un, Lui jouer un mauvais tour, le duper. Y a Gandousier que m’a tiré un pied de cochon. I m’a fait tirer d’argent de la caisse d’épargne pour le lui prêter, disant que ça serait plus sûr. Je crois bien que mes liards sont passés au bleu. — Je ne puis m’expliquer l’origine de cette singulière locution.

Marcher à pied de chausse. Marcher sans souliers, sur ses bas.

Tenir pied aux boules. Voy. tenir.

Aller de pied, pour aller à pied. — Comme vous avez chaud, vous n’avez donc pas pris le tramevet ? — Nous l’aurions bien pris, mais il était complet, alors nous sommes venus de pied.

Ne savoir sur quel pied danser, Se dit quand on a le bec dans l’eau, comme l’oiseau sur la branche. Une bonne femme me disait : Mon père est mort, mon mari est malade, je ne sais sur quel pied danser. On dit souvent : Je suis comme le poisson hors de l’eau, je ne sais sur quel pied danser.

PIEDS-HUMIDES. Voy. sous banc.

PIERRE. — Pierre de l’œil, Pierre magique, de la forme d’une lentille, extrêmement lisse. Lorsque quelque brâche est entrée dans l’œil, on sait assez combien c’est pénible. Vous mettez la pierre dans un coin de l’œil, sous la paupière. La pierre se met en marche, fait tout le tour de l’œil, et revient sortir au coin en chassant la brâche. Dans chaque famille, on conservait soigneusement la pierre de l’œil. Nous n’en avions pas à la maison ; elle s’était perdue dans un déménagement. Mais il y en avait eu une chez ma grand’, et ma mère, qui n’a jamais menti, m’a affirmé en avoir souvent usé utilement dans sa jeunesse. Beaucoup l’employaient dans le cas d’un mal d’yeux quelconque. Avait-on un peu de rougeur à l’œil, vite la pierre ! L’axiome disait : La pierre va chercher le mal. Il n’y a pas longtemps que j’ai vu cet écriteau dans une boutique : « À vendre, pierre de l’œil. »

Pierre noire. C’est une pierre des carrières de Saint-Cyr, de couleur noirâtre, très dure, portant bien le poli, et qui est en réalité une sorte de marbre. On l’appelle aussi gros banc. Tous nos beaux morceaux d’architecture du xviie siècle qui sont au voisinage du sol sont en pierre noire. On ne l’emploie plus que pour les cheminées.

La Pierre qu’arrape. — 1. C’était le nom donné au tour que j’ai vu dans mon enfance, et qui était situé, présentant sa face fermée, dans le mur de la Charité, non loin de la porte de l’église. Là, au milieu de la nuit, plus d’une fille, la tête cachée par un châle, venait tirer la sonnette placée à côté du tour. Celui-ci tournait et présentait son côté ouvert. La fille y mettait son enfant, puis se sauvait. Ce tour est resté longtemps après la suppression de l’institution, mais il n’y avait plus de sonnette. Puis on l’a enlevé et l’on a muré l’ouverture. Le joli entourage en pierre noire, avec sa corniche, qui paraissait dater du xviie siècle, doit exister encore. C’était une fondation bien touchante, bien profondément chrétienne que celle des tours. On dit qu’avec l’impudeur d’aujourd’hui il n’en est plus besoin. La fille ne rougit plus de venir au grand jour. Il me semble pourtant qu’avec le tour plus d’un infanticide serait évité. — Il était dénommé pierre qu’arrape, évitablement parce qu’il arrapait le mami et ne le rendait plus. À la vérité, il était en bois, mais supporté par une pierre.

2. Le tour a été supprimé, mais son nom a servi pour ailleurs. Je crois bien que la première pierre qui a arrapé le nom, c’est un banc à la Croix-Rousse, en haut de la montée des Esses, tout derrière le couvent des Trinitaires, sur une espèce de terrasse gazonnée d’où l’on domine Serin, Vaise, et d’où la vue s’étend sur le Mont-d’Or et la campagne lyonnaise. Les soirs d’été on y voit des amoureux en rêvation avec leurs bonnes amics. C’est la pierre qu’arrape, comme si le fond des culottes y était arrapé par de la pège ; et on y est si tellement bien qu’on ne peut plus s’en désarraper.

Les autres quartiers, jaloux, out voulu