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NAGU, s. m. — Sobriquet donné jadis aux bouchers parce que le juron naigu (nus aist Diu) leur était particulier. Dans toutes les pièces patoises où figurent des bouchers, on leur met constamment ce juron dans la bouche. Le mot est tombé en désuétude ; cependant une dame, qui est la petite-fille d’un canut, m’a assuré que c’était le mot dont on se servait dans l’atelier de son grand-père pour désigner le boucher.

NAIE, s. f. — Chiffon de linge pour nettoyer le four. On l’appelle aussi dame (v. ce mot).

NAISER, v. a. — Faire rouir le chanvre. M. Meyer-Lübke y lit natiare, du germ. natjan, allem. netzen, mouiller, humecter. Se dit, par extension, des doigts qui ont trempé longtemps dans l’eau, et dont l’épiderme est requinquillé.

NAMBOT, OTTE, s. — Très petit homme, très petite femme. — Vieux franç. nambot, nimbot, même sens.

NANO, s. m. — Lit. Allons au nano. — Mot enfantin. (V. Caquenano.)

NANT, s. m. — Ce mot, qui a dû exister chez nous, comme en témoigne notre lieu dit de Beaunant, connu par nos beaux restes d’aqueducs, signifie en Dauphiné et à Genève, où il est d’un usage constant, un ruisseau ou un torrent coulant au fond d’une vallée étroite. Il faut que le mot soit bien usité, car l’auteur d’une traduction d’Adam Bede, de Georges Eliot, l’a cru français et l’a bravement employé, notamment tome I, p. 117. Le traducteur est, dit-on, une dame de Genève, qui a pris le pseudonyme d’Albert Durade. — Beaunant signifie donc Beau ruisseau.

NANZOU, s. m. — Espèce de mousseline des Indes. — Une bonne charge : Grangier ne veut pas qu’on dise nanzou, mais malle-molle. Inutile de dire que ni l’un ni l’autre de ces termes ne figure dans les dictionnaires. Alors pourquoi choisir l’inintelligible plutôt que l’intelligible ?

NATURABLEMENT, adv. — Naturellement. Le mot lyonnais n’est point le mot français estropié, c’est du français du moyen âge que nous avons conservé.

NATURES, s. f. pl. — Organes urinaires et autres. Il ne faut jamais s’asseoir sur la terre mouillée, ça fait prendre de rhumatiss’ aux natures, disait mon maître d’apprentissage, bien digne d’être le huitième sage de la Grèce.

NAVEAU, NAVIAU, s. m. — Navet. Un haricot de mouton avè de naviaux, c’est ça que rafraîchit le menillon ! — Ce n’est point navet estropié, mais le naveau qu’on rencontre constamment dans nos vieux bons auteurs, et qui vient de napellum, de napum.

NAVET. — 1. Une demoiselle de ma connaissance devait se marier. Son prétendu était venu déjeûner à la campagne chez le futur beau-père. Or, parmi les plats se trouvaient des navets. Après déjeûner, on s’éparpille sur la terrasse. La jeune fille eut à monter au premier. En montant, elle se soulageait gaillardement en faisant à chaque marche : Un navet : brrr ! Deux navets : brrr ! Trois navets : brrr ! Quand ce vint au quatrième navet, en tournant le palier, elle aperçoit le prétendu derrière elle. Eh quoi, Monsieur, lui fit-elle, vous étiez là ! — Oui, Mademoiselle, depuis le premier navet !!!

Nous autres, rapins, nous aurions ri de la chose. Mais quoi ! ce jeune homme était plein de poésie ; il était nourri de Byron, de Lamartine ! Il fut tellement suffoqué qu’il en rompit le mariage (historique !). L’imbécile s’imaginait-il donc épouser un ange que le Ciel aurait privé de la faculté de compter les navets ?

2. Surnom donné aux canuts. « Quand celos puvres navets — N’ont gin de liards au gosset, » dit une chanson de Reverony. Cochard contait qu’un député à la Constituante, sorti du commerce de la soierie, se trouvant un jour entre deux collègues, ceux-ci s’avisèrent en plaisantant de le qualifier de navet, à quoi il répondit qu’un navet entre deux plats constituait un excellent ragoût. Ce surnom de navet est aujourd’hui presque oublié. Comme le dit Cochard, il avait dû être fait sur navette. On l’a remplacé par cavet qui n’a point d’esprit et qui est inintelligible.

NAVETTE, s. f. — De mon temps, on n’employait que la navette antique, la poétique navette qui servait à Pallas pour tisser les péplos divins. Cette navette, tout