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MASTROQUET, s. m. — Marchand de vin. Ce mot de l’argot parisien s’est répandu à Lyon. Il n’aurait pas d’intérêt pour nous, s’il ne donnait lieu à une observation philologique. Malgré la dissemblance de profession, un mastroquet est un maître queux, nom qui se donnait jadis au chef des cuisiniers dans les grandes maisons. En est témoin maistroqueux, forme que l’on trouve au xvie siècle.

MÂT DE COCAGNE. — Se dit d’une personne grande et très mince. As-te vu ce mât de cocagne que la Félicia va marier ? Elle lui appond à l’embuni.

Ouvrir les yeux (parlant par respect) comme un chien qui caque des mâts de cocagne en travers. Les ouvrir considérablement, comme cela se comprend facilement par l’exemple.

MATEFAIM, s. m. — Crêpe. « Un jour de mardi-gras nous avions évité le père et le compagnon à manger des matefins tramés de bugnes. » (Ressit.) — De mater et faim : ce qui mate la faim.

MATELAS. — De matelas que donnent de coups de poing dans les côtes. Se dit de matelas aussi moelleux en leur genre que les poufs rembourrés de noyaux de pêches.

MATELOTTE, s. f. — Suivant Cochard, « Espèce de gilet sans poche et sans manches, que l’on met sous la veste, et qui se fait généralement en molleton ». Je ne connais point ce harnais, et matelotte pour matelotte, je préférerais celles de la mère Guy.

MATHEVON, s. m. — Sobriquet donné aux terroristes de Lyon pendant la Révolution. Dans mon enfance, on ne les désignait que sous ce nom. « Qu’est-ei don cela grand’ fêta, — Que j’avons dedins Lyon ? — Disave la mare Têta — U compare Mathevon, » dit une chanson politique du temps. — Suivant Cochard, le mot de mathevon viendrait d’une pièce bouffonne, intitulée la Vogue de Saint-Denis de Bron, dans laquelle figurait un taffetatier, nommé Mathevon, qui se mêlait de parler politique, et sans doute développait les théories révolutionnaires.

MATIÈRE, s. f. — Euphémisme décent pour gandouse, que les personnes délicates considèrent comme bas. Une romance sentimentale, intitulée la Demoiselle de Venissieux, se termine ainsi :

Vierge qui possèdes un cœur,
Ne te livre pas tout entière !
Bien loin d’épuiser la matière,
On n’en doit prendre que la fleur !

MATIN. — Il va partir pour Carouge un de ces quatre matins, c’est-à-dire sous peu.

Pluie de matin n’effraye pas le pèlerin.

MATIN, s. m. — Côté du levant. Une maison exposée au matin. Cette expression se trouve constamment dans les vieux actes : « Ledit bâtiment borné de matin, etc. » Une vache blanche, marquée de noir du côté de matin, dit un procès-verbal de saisie par huissier. Le même sens de matin se rencontre dans Hermann et Dorothée (Kalliope, vers 1848°) : Und von Morgen wehet der Wind, Et le vent souffle du matin.

MATINAL. — Le Matinal, nom que nous donnons au vent d’est, parce qu’il souffle du côté du matin.

MATINIER, ÈRE, adj. — Qui se lève de bon matin.

MATOU. — Ce monsieur est un vilain matou. Expression peu louangeuse pour un homme désagréable, voire même quelque chose de plus.

MATRU, UE, adj. — Chétif, misérable, gringalet. Me parait avoir vieilli, mais il est encore très usité dans nos campagnes sous la forme môtru. — Un matru gone, Un méchant gone. Avè une matrue mécanique, on peut pas faire de la bonne ouvrage. — Du vieux provençal malastruc, malheureux ; de male astrutus, né sous une mauvaise étoile.

MATTE, s. f. — 1. Baguette de tambour.

2. Mailloche de grosse caisse. — Subst. verbal de matter, frapper sur un métal pour l’amincir.

MATTER, v. n. — Pouvoir s’agglutiner. Quand la neige tombe par un gros froid, elle est sèche et ne peut plus se mettre en boule. Elle ne matte plus. (P. B.)

MATTHIEU SALÉ, MACU SALÉ. — Mathusalem. Déjà Villon avait écrit : « Et Loys, le bon roy de France… — Vive autant que Mathusalé ! » — C’est pas étonnant que celui-là se soye si bien conservé, me disait un bon canut, pisqu’il équiet salé !