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JUIVESSE, s. f. Voy. Juifesse.

JUMELLES, s. f. pl. — 1. Jumelles de trapon, terme de construction. Se dit de deux pierres de taille placées à droite et à gauche d’une ouverture de cave et contre lesquelles vient appuyer la voûte.

2. Terme de fabrique. Se dit de deux pièces de soie qui se tissent ensemble comme, par exemple, pour les ceintures des dames.

3. Un fondeur lyonnais inventa une pièce d’artillerie nommée jumelle et composée de deux canons réunis par le milieu. (Em. Vingt.)

JURER, v. n. — Le chat jure. Voy. fout’fout’.

JUS. — Trouver le jus bon. Se dit lorsque quelqu’un, ayant tiré quelque avantage d’un autre, est bien aise de continuer. Son procureur lui faisait toujours recommencer de procès. I trouvait le jus bon. Mais l’autre s’est lassé. Il a fait la paix avec les ceusse qu’il était en guerre.

JUS NOIR. — Suc de réglisse. Dans mon enfance on le vendait chez les épiciers par gros bâtons, où l’on ébréchait la lame de son couteau pour en couper de petites braises, que l’on mettait dans la bouche (le jus noir est très fort). Puis les apothicaires ont fait des boites pleines de petites crottes de jus noir, fabriquées à la mécanique. C’est notre grand remède contre le rhume, et quand il ne fait pas de bien au rhume, il fait toujours du bien au pharmacien. Nous prononçons toujours jus noir comme s’il était tout d’un mot.

Un professeur de la Martinière, ayant croqué un rhume, suçait force jus noir en faisant sa leçon de grammaire aux élèves de première année. Après avoir parlé du « complément direct (que ces termes de grammaire sont beaux !) » il demande un exemple. Un gone espiègle se lève : Je suce mon jus noir ! — Très bien ! fait le professeur, maintenant comment écrivez-vous jus noir ? Le gone d’épeler : j, u, ju ; n, o, i, noi ; r, e, re ; junoire ! — Très bien encore ! L’orthographe n’est peut-être pas absolument conforme à celle de l’Académie, mais elle est tout à fait lyonnaise.

Au fig. Roupie des tabasseux. Dans mon enfance, il y avait beaucoup plus de priseurs que de fumeurs, et c’est à chaque instant que dans les salons on entendait une bonne dame dire à son mari : Dodophe (ou Tuthur), torche donc ton jus noir ! — C’est de là que les mouchenez ont pris le nom de tire-jus.

JUSQUE. — Jusqu’à tant que, Jusqu’à ce que. J’attendrai la Fine jusqu’à tant qu’elle vienne. C’est du vieux franç. On le trouve dans Marot et dans Rabelais. Comme euphonie, cette locution est très préférable à jusqu’à ce que, détesté de Votaire, et non sans raison.

JUSTE. — Juste comme le doigt au trou. Locution qui s’emploie en parlant d’une chose bien mesurée, bien appropriée, bien exacte. Mon addition est-elle juste ? — Juste comme le doigt au trou… Combien y a-t il de pas d’ici à ce prunier ? — Vingt-cing. — Vous avez deviné juste comme le doigt au trou ! Et ainsi du reste. Qui nous saura à dire ce qui a inspiré cette curieuse métaphore ?

À juste.Nous sommes à juste de pain. Si vient de z’amis, i faudra leur donner de mouchons de chandelles. — On dit aussi : Nous n’avons que juste de pain, pour « nous n’avons exactement de pain que le nécessaire ».

Comme de juste. Cette locution si simple, si franche, si concise, n’est dans aucun dictionnaire. Pour parler académiquement il faudra dire comme il est juste, ce qui est évidemment moins bon,

JUSTICE. — Faire justice, Tuer un porc. Je ne sais pas démêler l’origine de cette bizarre expression qui se retrouve en Beaujolais et dans le bas Dauphiné.


K


KEPSIKE, s. m. — Album pour renfermer des dessins, des gravures, etc. Ce mot, naturellement, est inconnu dans le peuple. Mais je n’ai jamais entendu les personnes de notre plus haute société prononcer autrement. C’est une simple métathèse de voyelles dans keepsake (kipsèke), mot savant introduit de l’anglais par les romantiques, aux alentours de 1830.