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DEFORE, adv. — Dehors. I l’ont metu defore. Ils l’ont mis à la porte. Ce mot, encore très usité dans mon enfance, me paraît tombé en désuétude, sauf dans la batellerie. On avait ramené de nourrice un gentil mami, bien élevé. On lui avait recommandé de ne jamais descendre au jardin sans prévenir sa maman. Il arrive, bien obéissant, dans le salon plein de monde : Môre, vo ch… defore ! J’ai connu beaucoup ce mami. — C’est le latin de foras.

DÉFUNTER, v. n. — Mourir.

DÉGAGER (SE), v. pron. — Se dépêcher. Allons, Fine, dégageons-nous : c’est tard ; le pucier nous attend. — En effet, pour pouvoir aller vite, il faut être dégagé.

DÉGAILLER, v. n. — Rendre son royaume. Tè, tè, v’là la petite que dégaille ! entendais-je un jour un bon mari dire à sa bonne femme. Vienne le jour de l‘an, vous n’entendrez que parents gongonnant leurs mamis : Veux-tu bien ne pas manger de bons comme n’avanglé ! Par après, te dégailleras, et c’est nous qu’aurons la petouge ! — Du provençal degalha, même sens, de dis-vaculare.

DÉGAINE, s. f. — Tournure, démarche. S’emploie généralement dans un sens péjoratif. Un jeune enflammé, d’une dame à demi accroupie sur une bergère : Quelle adorable désinvolture !Un Monsieur, à côté, revenu des illusions : Mon Dieu, quelle dégaine ! — Ce terme, que j’aurais à peine osé employer dans une oraison funèbre, est au dictionnaire de l’Académie ! Moi qui le croyais pur Gourguillon ! N’empêche que les demoiselles du cours « normal » ne le trouveraient pas (normal). — C’est un subst. verbal de dégainer. Cotgrave, après desgaine, action de dégainer, donne l’exemple : « Il y marcha bien d’une autre desgaine », he proceeded in a far quicker fashion, qui indique comment l’idée de démarche a pu se lier à celle de dégainer une épée.

DÉGOBILLER, v. n. — Parlant par respect, Vomir. — J’avais la folle vanité de le supposer lyonnais. Hélas, il s’étale au Dict. de l’Académie ! Je ne crois pas cependant que Bossuet l’emploie dans son oraison funèbre de la Palatine, mais si bien le bon Tallemand dans son Historiette XIII : « On dit qu’un jour M. de. Turenne, depuis M. de Bouillon, étant ivre, lui dégobilla sur la gorge en la voulant jeter sur un lit. » — Au fig. Parler éloquemment et avec abondance. Un de mes amis, en 1845, était allé à Paris. Eh bien, lui dis-je, tu as entendu Berryer ? — Si je l’ai entendu ! Mon ami, si tu voyais comme à te vous dégobille ça ! — Notre bonne était allée aux vêpres de Saint-Irénée : Marie, dit la maman, sur quoi a prêché le prédicateur ? — Madame, il a dégobillé tout le temps sur le Parisien et sur le Républicain.

Composé de de et gober, avec l’insertion de la syllabe ill à significat. péjorative, en même temps qu’elle répond à l’idée de menues choses. C’est cet ill qui donne cette physionomie charmante à dégobiller. Il semble qu’on y est.

DÉGÔGNER (SE), v. réfl. — Se remuer, s’agiter par des mouvements dislocatoires. Une mère à sa fille, au bal de la Préfecture : Veux-tu bien ne pas danser en te dégôgnant comme ça ! Te crois-tu à l’Alcazar ? — « Il y a ici (à Vichy) des femmes fort jolies, écrit Mme de Sévigné. Elles dansèrent hier des bourrées du pays, qui sont en vérité les plus jolies du monde. Il y a beaucoup de mouvement, et l’on se dégôgne extrèmement. » Et ailleurs : « Elles (les Bohémiennes) font des dégognades où les curés trouvent un peu à redire. » Enfin le bon Fléchier écrit : « La goignade, sur le fond de gaieté de la bourrée, ajoute une broderie d’impudence. » — Un coxinare, de coxa, donnerait goigner, gôgner, dégôgner.

DÉGOULER, v. n. et a. — Parlant par respect, Vomir. Toutes les fois que je vais en voiture, me disait une grande dame, je suis sûre et certaine de dégouler. — C’est le vieux français desgouler (de gula), que les Parisiens ont remplacé par leur ignoble dégueuler.

DÉGOURDI, a. — Débrouillard. Ironique aussi, quand on s’adresse aux patets.

DÉGOUT, s. m. — Goutte d’eau. Jean Brunier (prononcez Bruni), notre granger, pour prédire le temps, étaitun véritable observatoire. Jean, qu’on lui faisait, vous qui vous y connaissez, quel temps va-t-il faire ? Jean Brunier (prononcez Bruni) mouillait son doigt, le levait en l’air, regardait au matin, au couchant, du côté du vent, du côté de la bise, interrogeait la marche des