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sans y toucher ; écoutez maintenant cet accent ignoble, impudent, qui pue le vice, dans le voyou parisien ; lisez ces mots crapuleux qui, de la première page à la dernière, composent les recueils de MM. Lucien Rigaud, Alfred Delvau, etc. Et comparez les deux états de l’âme populaire !

Un recueil lyonnais eût été bien incomplet s’il n’eût pas renfermé les termes de canuserie. Mais jugez voire ! Il y a cinquante ans par appoint que l’auteur a délaissé « l’art de la soye » ! C’était peut-être un avantage, car cela permet de consigner des termes ou des objets oubliés. Une industrie se modifie tellement en un demi-siècle ! Mais c’était certainement un désavantage, car, outre qu’il se faut défier de défaillances de mémoire assez excusables, un dictionnaire de ce genre doit être, à côté de l’expression du passé, l’expression du présent. À cet égard l’auteur a trouvé une aide bien précieuse dans l’obligeance inépuisable et dans les connaissances techniques d’un de ses bons amis, M. Claudius Prost. Il doit aussi à M. Ernest Pariset des remerciements cordiaux pour ses utiles renseignements.

En parcourant son manuscrit, l’auteur est frappé de voir combien de mots entendus dans son enfance voire combien de choses ont disparu. À publier ce dictionnaire il fallait donc se hâter, car bientôt tout cela ne sera plus même un souvenir, et les mots frapperont vainement l’oreille sans rien lui dire. Ils auront non plus d’intérêt que ceux d’une langue inconnue. Et telle est la pensée qui fait que sous les plaisanteries et les gandoises que peut renfermer ce recueil, il y a, me semble-t-il, quelque chose de mélancolique.


Nyons-les-Baronnies, ce jour de la Chandeleur, 1894.