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sans doute avait glissé de la jument à terre. Il en conclut que la bête s’était enfuie dans cette direction. Il se prit à courir.

Sans autre idée que la volonté tenace et folle de rattraper sa voiture, tout le sang au visage, en proie à ce désir panique qui ressemblait à la peur, il courait… Parfois son pied butait dans les ornières. Aux tournants, dans l’obscurité totale, il se jetait contre les clôtures, et, déjà trop fatigué pour s’arrêter à temps, s’abattait sur les épines, les bras en avant, se déchirant les mains pour se protéger le visage. Parfois, il s’arrêtait, écoutait — et repartait. Un instant, il crut entendre un bruit de voiture ; mais ce n’était qu’un tombereau cahotant qui passait très loin, sur une route, à gauche…

Vint un moment où son genou, blessé au marchepied, lui fit si mal qu’il dut s’arrêter, la jambe raidie. Alors il réfléchit que si la jument ne s’était pas sauvée au grand galop, il l’aurait depuis longtemps rejointe. Il se dit aussi qu’une voiture ne se perdait pas ainsi et que quelqu’un la retrouverait bien. Enfin il revint sur ses pas, épuisé, colère, se traînant à peine.

À la longue, il crut se retrouver dans les parages qu’il avait quittés et bientôt il aperçut la lumière de la maison qu’il cherchait. Un sentier profond s’ouvrait dans la haie :

— Voilà la sente dont le vieux m’a parlé, se dit Augustin.

Et il s’engagea dans ce passage, heureux de