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— Meaulnes, il est temps que je vous le dise : moi aussi je suis allé là où vous avez été. J’assistais à cette fête extraordinaire. J’ai bien pensé, quand les garçons du Cours m’ont parlé de votre aventure mystérieuse, qu’il s’agissait du vieux domaine perdu. Pour m’en assurer je vous ai volé votre carte… Mais je suis comme vous : j’ignore le nom de ce château ; je ne saurais pas y retourner ; je ne connais pas en entier le chemin qui d’ici vous y conduirait.

Avec quel élan, avec quelle intense curiosité, avec quelle amitié nous nous pressâmes contre lui ! Avidement Meaulnes lui posait des questions… Il nous semblait à tous deux qu’en insistant ardemment auprès de notre nouvel ami, nous lui ferions dire cela même qu’il prétendait ne pas savoir.

— Vous verrez, vous verrez, répondait le jeune garçon avec un peu d’ennui et d’embarras, je vous ai mis sur le plan quelques indications que vous n’aviez pas… C’est tout ce que je pouvais faire.

Puis, nous voyant plein d’admiration et d’enthousiasme :

— Oh ! dit-il tristement et fièrement, je préfère vous avertir : je ne suis pas un garçon comme les autres. Il y a trois mois, j’ai voulu me tirer une balle dans la tête et c’est ce qui vous explique ce bandeau sur le front, comme un mobile de la Seine, en 1870…

— Et ce soir, en vous battant, la plaie s’est rouverte, dit Meaulnes avec amitié.