Page:Le Grand Meaulnes.djvu/121

Cette page a été validée par deux contributeurs.

des fichus, qui déjà s’endormaient. Une grande carriole encore ; un char à bancs, où les femmes étaient serrées épaule contre épaule, passa, laissant Meaulnes interdit, sur le seuil de la demeure. Il n’allait plus rester bientôt qu’une vieille berline que conduisait un paysan en blouse.

— Vous pouvez monter, répondit-il aux explications d’Augustin, nous allons dans cette direction.

Péniblement Meaulnes ouvrit la portière de la vieille guimbarde, dont la vitre trembla et les gonds crièrent. Sur la banquette, dans un coin de la voiture, deux tout petits enfants, un garçon et une fille, dormaient. Ils s’éveillèrent au bruit et au froid, se détendirent, regardèrent vaguement, puis en frissonnant se renfoncèrent dans leur coin et se rendormirent…

Déjà la vieille voiture partait. Meaulnes referma plus doucement la portière et s’installa avec précaution dans l’autre coin ; puis, avidement, s’efforça de distinguer à travers la vitre les lieux qu’il allait quitter et la route par où il était venu : il devina, malgré la nuit, que la voiture traversait la cour et le jardin, passait devant l’escalier de sa chambre, franchissait la grille et sortait du Domaine pour entrer dans les bois. Fuyant le long de la vitre, on distinguait vaguement les troncs des vieux sapins.

— Peut-être rencontrerons-nous Frantz de Galais, se disait Meaulnes, le cœur battant.

Brusquement, dans le chemin étroit, la voiture