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guier, à le lire, fut une ville qui tenait à la terre par des liens si légers qu’on pouvait s’attendre à les lui voir rompre d’un moment à l’autre… Ah ! ah ! laissez-moi rire !… Tréguier, le Lentriguet de Molière, dont le nom était synonyme, au XVIIe siècle, de bourgade arriérée, ridicule et badaude, Tréguier, qu’un de ses fils, contemporain de Renan, appelait Toullous, de deux mots bretons dont le premier veut dire trou et le second veut dire sale, Tréguier faisant concurrence à la Jérusalem céleste ! Il fallait être Renan pour tenter et « réussir » des paradoxes de ce calibre… Avez-vous lu, monsieur, les Mélanges de M. de Boisville ?

Quelque peu décontenancé par cette virulente apostrophe, je confessai à mon interlocuteur que je n’avais pas lu le livre dont il me parlait et que c’était même la première fois que j’en entendais parler…

— Les Mélanges de M. de Boisville ont paru en 1870, me dit-il d’un ton de supériorité dédaigneuse qui ne put qu’aggraver ma confusion. Les éditeurs en étaient MM. Lacroix et Verboeckhoven. Quant à M. de Boisville, je me suis laissé dire qu’il n’était qu’un nom de guerre dont se couvrait défunt M. le vicomte de Kerguézec.

— C’est bien possible, concédai-je.

Mais mon interlocuteur ne trouva point la concession suffisante.

— Ce M. de Boisville ou de Kerguézec, continua-t-il d’une voix qui s’échauffait, avait le style preste, le mot vif, quelque judiciaire et, quoique vicomte, très peu de préjugés. Ruiné, pour vivre, il avait dû se faire « pion ». Cela se passait aux environs de 1848. La