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un défi au bon sens et aux lois de l’équilibre et qui ont quelque chose de lancinant comme un cri de détresse. Tension suprême de l’âme vers l’infini ! Ces clochers du Léon, dont « la pierre pointe et s’envole vraiment dans les nuages avec une sorte de mouvement visible et vertigineux », M. Geffroy n’a pas eu de peine à y découvrir l’expression même de la race. Comme le paysage et plus encore que lui, ils initient à l’intelligence des habitants. Grêles fleurs de spiritualité, les seules qui pouvaient naître de ce sol sans humus, de cette grande table granitique, échancrée çà et là de failles profondes où bleuit deux fois par jour le flot marin ! Sur les champs, sur les grèves, partout des pierres, des pierres « gris sombre », d’autres, goémoneuses, fourrées d’algues rousses, de lichens décolorés.

« On est loin des plages de villégiature et des jardins en terrasses, écrit M. Geffroy, avec ce pays de rocs revêches, de champs en demi deuil violet de bruyères, de passantes de monastères, coiffes blanches, robes noires ou grises ou d’un bleu verdi. De bons instants furent pourtant vécus, sur cette avancée de terres, entre Goulven et Kerlouan, vers Pontusval, parmi les pierres étranges, oiseaux, tortues, griffons, mastodontes, si changeantes d’aspect et d’expression, immobiles, passives ou convulsées. Certains groupes sont des femmes en proie à des sphinx : des morceaux de pierres crevées et usées offrent des faces de désolation. D’autres, gigantesques, au loin, dans les flots, sont brumeux et hérissés comme des châteaux de rêves. Parmi ces pierres de Pontusval, la chapelle Saint-Pol où subsiste le tonneau pour la dîme de l’avoine. Et, par-