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une strophe, pas un vers qui trahisse le découragement. À d’autres de sonner le glas de la Bretagne ! Lui répète avec une énergie farouche le vieux cri national des ancêtres : Breiz da virviken ! « Bretagne à jamais ! » Refaire une Bretagne ne lui suffit pas : le mirage du celtisme universel tremble par moments devant ses yeux, donne à certaines de ses paroles je ne sais quel tour augural et sybillin. Et qui sait jusqu’où peut percer le regard de ce voyant ?…

Un fait hors de conteste, c’est que ce voyant, ce rêveur, à qui l’on ne saurait reprocher en tout état de cause que l’élargissement démesuré de son horizon ethnique, s’appuie sur le fonds le plus solide qui soit, sur un ensemble de réalités qui assure à ses spéculations les plus audacieuses une base proprement indestructible. Lui aussi, il a commencé par mettre ses pas dans les pas de ses morts. Il sait qu’un idéal ne s’improvise pas, qu’une race qui n’est plus dans le fil de la tradition est une race dont les jours sont comptés. Le natura non facit saltus de Leibnitz n’est pas seulement une loi du monde physique, et cette loi trouve son application en morale comme en politique. C’est pourquoi Jaffrennou n’entend rien répudier du patrimoine de sa race, pourquoi surtout il se refuse à amputer l’âme bretonne de cette grande paire d’ailes dont Taine parle quelque part comme « indispensable pour élever l’homme au-dessus de lui-même et l’emporter jusqu’au dévouement et au sacrifice ».

… Evidoun nez eus med daou enruad :
Harpa ma Bro e-kreiz tan an argad
Ha lakad m’esper en Nerou !…