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restitué enfin à l’Italie sur la demande de Victor-Emmanuel par l’empereur Napoléon III[1].

Combien cependant l’existence, même apocryphe, d’une Table-Ronde et d’un Saint-Graal, fait éclater l’énergie créatrice du symbolisme arturien ! Ce sera l’éternel honneur des races celtiques d’avoir ainsi peuplé l’imagination occidentale des plus nobles légendes, des fantômes les plus héroïques et les plus charmants qui aient enchanté le monde. Délicieuses créations où collaborèrent intimement l’âme des Bretons d’Armorique et celle des Bretons de Galles ! Elles s’oblitéraient cependant, elles s’effaçaient peu à peu de la mémoire des hommes, quand le patriotisme d’un grand poète vint leur communiquer une seconde vie spirituelle. C’est dans ce calme et simple village de Caerléon que Tennyson composa ses Idylles du Roi, et, certes, celui-là serait ingrat envers Artur plus encore qu’envers le poète, qui passerait avec indifférence près de la vieille hôtellerie désaffectée : Aux Armes d’Hambury, où la magie de cet autre Merlin ressuscita l’émouvante merveille du cycle breton…

Nous avions quitté, mon guide et moi, le champ de la Table-Ronde et, par un sentier côtoyant l’ancien mur de circonvallation, nous gagnions les bords de l’Usk, le joli fleuve poissonneux qui dessine une courbe élégante au pied de la ville. Mais c’était l’heure de la basse mer, et l’Usk, fortement encaissé entre des berges

  1. Ce dernier point, affirmé par l’auteur anonyme du Memoir of King Arthur, est encore plus contestable que les autres. C’est la Restauration qui, en 1815, restitua le Saint-Graal à la cathédrale de Gènes. — V. à l’Appendice.