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Mais ce gothique de circonstance ne doit point faire illusion : c’est du pastiche, du faux vieux. Il n’y a de vraiment antique à Caerléon que la butte d’Artur, l’amphithéâtre, quelques fragments du portail de l’église, l’orifice d’un puits miraculeux, un pan de muraille et les assises des deux bastions qui flanquaient à ses extrémités le pont en bois jeté sur l’Usk.

La tradition populaire rattache indifféremment toutes ces ruines au cycle de la Table-Ronde : il en faut rabattre. Ancienne métropole des Silures, Caerléon devint sous Auguste la capitale de la province de Britannia Secunda, Urbs Legionum, la ville des Légions [1]. De fait les Gallois rappellent avec orgueil qu’Auguste était obligé d’y entretenir deux légions pour surveiller les montagnards de leur pays, quand une lui suffisait pour tout le reste de la Grande-Bretagne.

L’histoire corrobore ici la tradition : la domination romaine eut grand’peine à s’implanter en Galles. On sait assez, par Tacite, l’héroïque résistance de ce Caractacus, roi des Silures, le Vercingétorix breton, comme on l’a surnommé, qui fit entendre à l’empereur un langage digne des beaux jours de la République : « Parce que vous voulez nous asservir, qui vous dit que le monde entier aspire après votre servitude ? » Mais Caractacus tomba, et sa capitale devint le centre de l’occupation romaine en Grande-Bretagne.

  1. D’où son nom. Caerléon est composé du mot celtique caer (ville) et du mot latin legionum contracté en léon. C’est la même étymologie qu’on donne, dans la Bretagne armoricaine, à l’ancien diocèse de Léon.