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rin bretons[1]. Dans un délicieux recueil de nouvelles qui vient de paraître : Sous le ciel gris, de M. Simon Davaugour, le héros d’une des nouvelles, surpris par une rafale du sud-ouest en traversant le bourg de Penvénan, est entré chez un vieux Breton qui lui a montré un escabeau près du foyer et lui a dit simplement : « Tu es trempé comme un goémon. Approche et sèche tes hardes à ce feu de planches ». Le vieux sort : son hôte reste seul devant le feu, « un grand feu, un immense feu, triomphal, absurde dans une bicoque pareille », un feu qui l’hallucine et où, à la longue, il finit par discerner un tas de choses merveilleuses et terrifiantes, des têtes sans dents, des orbites sans yeux, des bras qui se tordent, des chairs qui grésillent… Le vieux rentre dans l’intervalle avec une nouvelle brassée de planches pourries et, devant la pâleur de son hôte, il s’explique :

— Je n’avais point pensé à le dire… C’est moi le fossoyeur. Je n’aurais guère de feu, si mon métier ne me donnait du bois à volonté : les planches me viennent des morts que je déterre quand le temps est venu.

Sur quoi le voyageur, encore plus pâle, se hâte de prendre la porte et de déguerpir. Et l’on pourrait ne voir là qu’une fantaisie de lettré, un conte noir dans la manière d’Edgar Poe, si la plupart des récits populaires qui nous sont parvenus et jusqu’aux Vies des saints bretons n’étaient pleins d’aventures analogues.

  1. Voir, pour plus de détails, L’Âme bretonne, 1re série, Chap. : Au cœur de la Race.