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l’autre que j’ai recueilli, il y a une trentaine d’années, de la bouche d’un pharmacien trégorrois établi à Lannion, M. Soisbault. Le bonhomme Système s’appelait Le Duigou. Ce qui n’empêche pas Renan d’écrire : « Je n’ai jamais su son nom, et même je crois que personne ne le savait. » Si fait. Mais laissons la parole à Michelet. Le passage qui suit est tiré de son Histoire de France :

« Moi-même j’ai vu à Tréguier le vieux M. D… (qu’ils ne connaissent que sous le nom de M. Système). Au milieu de cinq ou six mille volumes dépareillés, le pauvre vieillard, seul, couché sur une chaise séculaire, sans soin filial, sans famille, se mourait de la fièvre entre une grammaire irlandaise et une grammaire hébraïque. Il se ranima pour me déclamer quelques vers bretons sur un rythme emphatique et monotone, qui pourtant n’était pas sans charme. Je ne pus voir sans compassion ce représentant de la nationalité celtique, ce défenseur expirant d’une langue et d’une poésie expirantes. »

On aura remarqué que, dans ce premier texte qui date de 1833, Le Duigou n’est désigné que par son initiale. Mais, en 1886, Mme Michelet, sollicitée de publier à part le Tableau de la France, au lieu de se borner à la réimpression pure et simple du texte de 1833, s’avisa de « l’étendre » et de « le compléter » à l’aide des « matériaux laissés par M. Michelet dans ses cartons ». Le passage relatif au bonhomme Système subit de ce fait quelques retouches importantes dont on va pouvoir juger :

« Moi-même j’ai vu à Tréguier le savant ami de Le