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— C’est que… il me semble bien… Je ne serais pas surpris que La Mer fût plutôt de Mme Michelet…

Ce plutôt n’était-il pas exquis ? La conversation de Renan était pleine de ces trouvailles. Elles nous ravissaient. Je suis trop jeune pour avoir connu Brizeux, qui était lui aussi, dit-on, un causeur délicieux. Mais j’ai assistée à l’inauguration de sa statue et justement en compagnie, à côté de Renan.

Le joli voyage que ce fut ! Je me souviens encore de cette échappée en Morbihan, de l’Ellé, de l’Izole et des vallées d’églogue, toutes roucoulantes d’appels de ramiers, et des petites paysannes de Baud et de Plouvignier qui s’en retournaient de la messe dans leur justin noir et bleu et s’arrêtaient pour regarder passer le train et nous crier à travers les barrages : dehueh mad, le bonjour de là-bas. Brizeux fut fêté en prose et en vers, mais par personne mieux que par Renan. Son discours, d’une sobriété tout attique, était la grâce et le charme mêmes.

Y dit-il nonobstant toute sa pensée sur l’auteur de Marie ? J’ai de bonnes raisons pour penser le contraire. La veille du départ de Renan pour les fêtes, je déjeunais à Rosmaphamon. On vint à parler de Brizeux, et quelqu’un demanda au maître s’il avait trouvé beaucoup à louer dans l’œuvre de son compatriote. Il sourit d’abord, puis répondit, comme c’était sa manière, par une parabole :

— Au paradis, dit-il, où il existe pourtant une hiérarchie des bienheureux et où Paul n’est point l’égal de Pierre, qui, lui-même, n’est point l’égal de Joseph, il y a un jour dans l’année où chacun des saints, si