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charme mystérieux de la pairie, ont d’ailleurs, avec toute leur franche allure, jusque dans les derniers bourgs, une réserve virginale. »

Cette réserve notée par Barrès a peut-être sa raison ailleurs qu’il ne croit, dans le long état d’infériorité et de demi-servage où vécurent jusqu’à ce temps les femmes de Bretagne. Elles n’occupaient dans la famille qu’une place accessoire. Le père a gardé ici toute la dure et jalouse primauté du chef de clan ; la femme, même épouse et mère, est toujours une mineure. Dans beaucoup de ménages encore, elle ne mange pas à la table où son mari, débonnaire, admet les valets de charrue ; à l’église, elle demeure dans la nef et les bas-côtés ; le transept et le chœur sont exclusivement réservés aux hommes. Mais, voici mieux ou pis : on cite certains cantons des Montagnes-Noires où le mari ne porte pas le deuil de sa femme.

Et cependant Renan a parlé divinement de « l’amour breton ». Il en a vanté la douceur, la grâce pudique et la mélancolie, et il avait raison. L’apparente dureté de l’homme, en Bretagne, n’est qu’une attitude héritée et qu’il observe, comme il fait de toutes choses qui lui viennent de ses pères, religieusement. Cette fidélité envers le passé se marque de nos jours encore dans les cérémonies du mariage et des funérailles. Je ne puis entrer ici dans de grands détails et qui se trouvent consignés dans les livres spéciaux[1].

  1. Cf. Guionvac’h par Dufilhol, le Barzaz-Breiz de la Villemar-