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représentants du pouvoir central et s’entend beaucoup moins pour les receveurs de l’enregistrement ou les percepteurs des contributions qui ont directement affaire au menu peuple et devraient pouvoir lui parler sa langue. Mais il faut que les évêques eux-mêmes soient ignorants de cette langue. Présentement un seul évêque parle et écrit le breton, et il occupe le siège de Moulins[1]. Longtemps on prend soin que la conscription disperse aux extrémités du pays les Bretons qui ne connaissent que leur langue. C’est cette langue qui est l’ennemi et qu’il importe de saper d’abord : aucun mot breton ne doit être prononcé dans les écoles primaires, même pour les explications orales. Les inspecteurs primaires répriment énergiquement toute tentative de ce genre. Chose incroyable, le clergé, au début, leur donne la main, les imite docilement, quand il ne raffine pas sur les mesures de répression. J’ai le souvenir très net de ce qui se passait vers 1872 à l’école des frères de Lannion : qui était surpris prononçant un mot breton connaissait les affres des anciens lépreux ; il était retranché de la communauté scolaire ; il lui fallait accepter, bon gré mal gré, un jeton de cuivre ou de plomb nommé « symbole » et qui lui était aussi lourd que la tartarelle de drap jaune à l’échine du caqueux. L’infortuné n’avait de cesse qu’il n’eût surpris en faute un autre camarade, auquel il passait le mortifiant « sym-

  1. Mgr Dubourg. Un autre évêque, Mgr Mando, qui parlait également le breton, fut nommé peu après hors Bretagne et mourut presque aussitôt.