Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/342

Cette page a été validée par deux contributeurs.

connaissait un mot de français. Ce n’en était pas moins un succès, et quelques autres, qui s’y vinrent ajouter, donnèrent bonne opinion de sa candidature. Le clergé, qui le combattait à force pour s’être prononcé sur la question de la liberté de renseignement, allait bien répétant que Jules Simon était un panthéiste, un athée, un philosophe. On disait en pleine chaire qu’il voulait détruire la religion, et, de son côté, le préfet affirmait qu’en votant pour lui les électeurs étaient bien sûrs de mettre le feu à l’Europe, sans compter que c’en était fait pour arrondissement de l’amélioration de ses routes. Enfin le candidat d’extrême gauche, qui restait notaire sous le candidat, avait imaginé un système de corruption fort ingénieux. « Il ne donnait pas d’argent, fi donc ! il en prêtait, ce qui était moins coûteux et plus habile, car on se débarrasse de la reconnaissance, mais il faut compter avec un créancier. » Malgré tout, la partie se présentait belle pour Jules Simon jusqu’au dernier moment. La veille du scrutin il écrivait encore à M. de Rémusat, qui, avec M. Duvergier de Hauranne, lui était demeuré fidèle de Paris :

« Mes chances continuent d’être de beaucoup les plus grandes, quoique l’extrême gauche, le clergé et les légitimistes fassent cause commune contre moi. Je l’aurais même emporté à une grande majorité si Paris, qui devait au commencement, vous vous en souvenez, m’apporter tant de secours, était resté neutre[1]. »

  1. Lettre citée par M. Léon Séché. Cf. Jules Simon, sa vie, son œuvre, p. 43 et sqq.