Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/294

Cette page a été validée par deux contributeurs.

prose, et c’est, je pense, qu’il n’en a point existé. Car ce théâtre, tout mélodique, aurait eu de la peine à se passer du vers. Il se souvient du chœur où il est né, voilà sept cents ans, et le vers s’y psalmodie encore et ne s’y déclame point. Je ne sais au juste quelle a pu être la mélopée du Mystère de sainte Barbe ou des vers libres du Grand Mystère de Jésus. Quoi qu’il en soit, on reconnaît aisément dans la mélopée qui accompagne les vers des tragédies à rimes plates une imitation non déguisée du plain-chant romain. Cette mélopée est la même pour chaque acteur, et, comme les mystères bretons procèdent par couplets ou « tirades », elle n’y est presque jamais brisée. Au reste, tous les acteurs que j’ai vus à Morlaix, en 1888, s’y soumettaient correctement. Ils avaient la voix juste et nette, un grand sens des mesures, et prenaient garde, même aux endroits les plus pathétiques, de ne couper la phrase d’aucun geste déclamatoire. Je crois bien qu’il en devait être de même au moyen âge et dans l’antiquité. La mimique n’a dû se mêler à la récitation que de nos jours. Cette opinion ne paraîtra point trop hasardée, si l’on veut bien remarquer que nulle part plus qu’en Bretagne les traditions ne se sont conservées fidèlement et qu’il est permis d’y induire presque en toutes choses du présent au passé[1].

    le vers de dix les gentilshommes, le petit vers de huit les plébéiens. Distinction ingénieuse, mais sans aucun fondement.

  1. Voici pourtant une coutume bizarre et dont je ne trouve l’équivalent dans aucun de nos mystères français : durant le prologue, il était d’usage en Bretagne que le récitant fît, de quatre vers en quatre vers, une évolution autour du théâtre.