Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/286

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Bretagne, les « cahiers de tragédies », furent répartis entre les acteurs. Il y en avait de précieux dans le nombre. Beaucoup s’égarèrent. Ce qu’on put sauver du reste fut déposé à la Bibliothèque nationale avec les autres mystères trouvés par Luzel dans ses diverses missions à travers la Bretagne. Mais personne ne prit soin de recueillir l’héritage dramatique de Pezron et de ses lieutenants. Le théâtre lannionnais avait cependant connu de beaux jours. On accourait en foule à ses représentations. Peut-être les acteurs n’apportaient-ils pas toujours un tact suffisant dans interprétation de leurs rôles. Le cidre frais et le gwin-ardent jouèrent plus d’un méchant tour, m’a-t-on dit, aux personnages sacrés de la pièce, déshabitués sans doute de nos libations terrestres. En général pourtant ces acteurs lannionnais étaient de fort honnêtes gens, laborieux et paisibles, et que leur métier sédentaire (ils étaient presque tous tailleurs, menuisiers, tisserands, couvreurs) munissait d’une intellectualité assez fine. Les représentations qu’ils donnaient deux ou trois fois l’an, si elles leur étaient un prétexte pour humer le piot de compagnie, satisfaisaient d’abord leur instinct du théâtre. Ces représentations étaient libres. Y assistait qui voulait et payait aussi qui voulait. L’acteur chargé du prologue ou de l’épilogue, au commencement et à la fin de chaque « journée », se bornait à recommander ses confrères et lui-même à la générosité des auditeurs. « De crainte que vous ne l’oubliiez, dit le prologue de Louis Eunius, je vous prie d’apporter chacun pour le moins une pièce de trente sols ; les pièces de vingt-quatre sols aussi ne