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manquaient totalement de critique ; la pièce qu’ils jouaient (Sainte Tréphine et le roi Arthur) nous reporte au VIe siècle de l’ère chrétienne, ce qui n’empêchait point Arthur d’avoir dans sa suite un cavalier du 5e « tringlot » et la bonne Tréphine d’arborer sur sa perruque un chapeau mascotte dans le dernier goût du jour. Tel qui jouait un messager anglais avait enfilé une tunique de dragon ; tel autre, qui prêtait sa haute stature et sa voix d’airain au traître Kervoura, s’était coiffé d’une turlurette à grelots ; et Abacarus, roi d’Hibernie, drapé dans un peignoir blanc, trônait au milieu d’une cour de pierrots et de débardeurs. La municipalité de Morlaix — quantum mutata ! — avait dignement fait les choses sans doute : chacun des acteurs avait reçu, pour ses frais de costume, environ 3 fr. 70. Ils étaient dix-sept ; le total de la subvention montait à cinquante francs !

S’il ne s’était agi que d’une représentation populaire, devant un auditoire approprié de paysans et de marins, il n’y aurait eu que demi-mal. La « couleur locale » est une invention de blasés : le peuple s’en soucie peu et ses fournisseurs habituels encore moins. Ils ignorent tout de la chronologie : dans le Mystère de sainte Geneviève, Charles Martel est général en chef des armées de Henri IV ; dans le Mystère de saint Gwénolé, les Sarrasins font une descente en Bretagne trois cents ans avant l’apparition de Mahomet. Un public qui s’accommode de ces à-peu-près historiques n’est point trop exigeant en matière de costumes. Il se peut qu’à défaut de fidélité ces costumes aient eu jadis quelque fraîcheur