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tion indispensable, le soir de Noël, si l’on veut « obtenir profusion de fruits dans l’année », — s’est installé solidement dans son fauteuil de chêne massif. Il a tiré de son gilet sa petite pipe en terre de Morlaix, l’a bourrée du pouce et de l’ongle avec du tabac-carotte haché menu et qui, s’il demande une aspiration de machine pneumatique, se consume moitié moins vite que le scaferlati ordinaire. Un tison, au bout d’une pince à ressort, lui servit d’allumette. Deux ou trois bouffées, un jet de salive : bon ! nous y sommes, et le penn-ti s’est tourné vers sa fille cadette, récemment sortie de l’école, pour lui faire signe qu’elle pouvait commencer.

Avisant sur le rebord de la croisée un gros livre habillé de basane, l’enfant l’ouvre à la fête du jour : c’est le Buez ar Zent, la Vie des Saints qui, avec le Kompod-deiz[1], un recueil de cantiques et deux ou trois mystères imprimés, fait toute la bibliothèque des fermes bretonnes. Pendant ce temps, les autres filles de l’hôte, sa femme, ses fils, ses servantes et ses valets, ont noué le cercle autour du foyer. Ceux-ci tillent du chanvre ; celles-là cousent, filent ou tricotent et tous y vont d’un cœur d’autant plus allègre que, par exception, le produit du labeur de cette nuit est destiné aux indigents.

Au premier son de la messe, d’ailleurs, aiguilles et fuseaux s’arrêteront court. Le repos absolu est de rigueur à Noël. Qui enfreindrait la défense risquerait de le payer cher. Le dicton l’affirme : autant

  1. Calendrier.