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cette époque. Aussi bien la tradition conserve le nom de croix de peste (kroaziou ar vossenn) à cette multitude de croix aux fûts épineux qui furent érigées, principalement dans l’évêché de Léon, à la fin du XVIe et au commencement du XVIIe siècle. L’apparition du redoutable fléau, ses continuels retours offensifs frappèrent extrêmement l’imagination populaire, comme en témoignent les nombreux gwerz qui nous sont restés de cette époque et dont les plus célèbres ont été publiés par La Villemarqué et Luzel sous le nom de Bossen Elliant :

« La Peste blanche est partie d’Elliant ; elle a emporté sept mille et cent. — Cruel eût été le cœur de celui qui n’eut pleuré, s’il eût été au bourg d’Elliant, — en voyant sept fils d’une même maison allant en terre dans une même charrette. — La pauvre mère les traînait ; le père suivait en sifflant : il avait perdu la raison. »

Cette tragique extermination de toute une paroisse eut un retentissement prodigieux dans les esprits. Le gwerz de la peste d’Elliant synthétisa l’effroi général : après trois siècles écoulés, il est encore populaire dans les Montagnes-Noires et l’Arrhée de Berrien. Mais on sait, par les documents, que tout le bas pays fut éprouvé. Les registres des sépultures de Plouescat dans le diocèse de Léon, parlent d’une épidémie effroyable qui ravagea cette paroisse en 1626 et 1627 : le souvenir du fléau s’y est également conservé dans un gwerz local quelque peu semblable à celui de la peste d’Elliant[1]. Précédemment, en 1564, suivant

  1. « À Plouescat, sur la place du marché, on trouve par-