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accusait de lâcheté, ne prenant part à aucun plaisir et gardant un silence obstiné. Le proviseur avait pris l’habitude d’écrire sur chaque bulletin trimestriel, à l’article du caractère : Sombre. Cet élève est tombé dans la mélancolie. » Voilà une indication qu’il ne conviendrait pas de négliger, si l’on écrivait ici une Vie d’Émile Souvestre et non un simple chapitre de sa bouillante adolescence. Encore apparaît-il que si, pour ses débuts dans l’internat, l’enfant, brusquement séparé des siens[1] et jeté dans un milieu qui lui était étranger, tomba dans cette mélancolie dont parlent ses premiers bulletins trimestriels, il n’en restait plus trace chez lui au moment qu’il polissait avec une âpre joie de justicier les alexandrins de sa Journée aux incidents.

La comédie de Souvestre se passe le premier jour de l’année 1822. L’enseignement secondaire était alors aux mains du clergé. Le proviseur, une façon de prestolet brutal et jaloux, tient conférence avec son coiffeur ; il importe qu’il s’adonise et se pomponne pour recevoir les vœux de ses élèves. La deuxième et la troisième études entrent sur les entrefaites, parées et fleuries comme des châsses. Le speaker de la bande entame le discours de circonstance. Il s’y embrouille au beau milieu ; mais on lui pardonne à cause de son âge et de son bon vouloir. Surgit le censeur. Il apporte de graves nouvelles : la première

  1. Ses parents habitaient Morlaix où lui-même était né en 1806 et où son père occupait un emploi dans l’administration des Ponts et Chaussées.