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saint est la seule, avec celle d’Abélard, qui soit restée vraiment vivante au cœur des gens de Rhuys.

Cet oubli de ses compatriotes pour un écrivain qui fut, il est vrai, plus Français que Breton et dont il n’y a pas, dans toute l’œuvre, une ligne qui évoque le paysage familial, la petite ville couchée entre deux mers sous ses vignes imprévues, la grasse campagne éclairée du vif miroir de mille étangs marins, baignant dans une poudre d’or et qui sent la vendange, le sel et l’amour, cet oubli un peu dédaigneux devrait, je pense, toucher les Parisiens et les obliger envers lui davantage que s’il s’était gardé à son pays d’origine. Mais tout de suite il rompit ses attaches ; il ne conserva rien du Breton ; il fut de Paris par tempérament et par choix. Son œuvre, théâtre et roman, est d’un petit-cousin de Voltaire beaucoup plus que d’un frère aîné de Renan. Singulière destinée, dirais-je, si près de nous un Helleu, natif de Sarzeau comme Lesage, ne la répétait trait pour trait dans son absolu détachement du lien originel, dans le parisianisme aigu — presque trop parisien — de ses sanguines et de ses pointes sèches. Mais Sarzeau, Rhuys, tout ce tiède et plaisant terroir où le bon duc Jean le Roux voulut bâtir sa maison de liesse, son légendaire castel de Sans-Souci (Sucinio = Souci n’y ot), est-il breton autrement que par une inconséquence de la géographie ? La vigne, qui, nulle part ailleurs en Bretagne, ne franchit le fossé de la Loire, fait un saut brusque pour y enrouler une dernière fois ses vrilles, rôtir la pointe extrême de sa grappe. Et elle y parvient vaille que vaille, nonobstant le cas