Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/120

Cette page a été validée par deux contributeurs.

est à mon organisation », reconnaissait-il lui-méme. Ces inégalités d’humeur, avec l’âge, dégénérèrent en de mornes silences, dont il faisait quelquefois une leçon ou une attitude. D’autres fois, son mépris, au lieu de sécheresse et de froideur, prenait le masque d’une politesse excessive. Il ne se livrait qu’avec ses compatriotes qui le venaient voir. Il les interrogeait sur Saint-Malo, sur sa tombe du Grand-Bé dont il avait sollicité la concession douze ans à l’avance. Préoccupation lugubre, qui donnait froid aux os à Mme de Chateaubriand. Lamennais, à ce titre de compatriote plus qu’à sa réputation, dut d’être bien accueilli et, somme toute, compris et apprécié par lui à sa valeur. Les célébrités naissantes, comme Hugo, Georges Sand, n’étaient pas écartées, mais il avait le tort, en littérature, de leur préférer Béranger. Ou bien c’était des députations qui lui arrivaient de Paris et de la province, des légitimistes de la Gironde et des élèves de l’École normale. Eugène Manuel, qui faisait partie de cette dernière députation, s’est étendu avec un grand charme et des détails pleins d’intérêt sur l’accueil que ses amis et lui reçurent de Chateaubriand le 1er janvier 1846. Les visiteurs traversèrent d’abord un grand salon de style Empire où ils remarquèrent dans une corbeille des ouvrages de femme, des pelotons de laine, une tapisserie commencée (Mme de Chateaubriand vivait encore) et, entre les deux fenêtres donnant sur le jardin, un buste en marbre du comte de Chambord. De ce grand salon, on les fit passer dans une pièce attenante où se trouvait Chateaubriand à demi renversé dans un large